Repositionner des traitements utilisés en psychiatrie pour prévenir le Covid-19 : telle est la piste qu'explorent des équipes françaises de chercheurs et de cliniciens issus de l’Inserm, de l’AP-HP, de l’Université de Lille, de l’Université de Paris, de l’Université Paris-Est Créteil et de la Fondation FondaMental, dans un article publié dans « Drug Discovery Today ».
À l’origine de ce travail, se trouve le constat partagé dans les services de psychiatrie en France et à l'étranger d'une bien moindre infection au SARS-CoV-2 des patients souffrant de troubles psychiatriques contrairement à ce qui était redouté (eu égard à une difficile observance des gestes barrières, de la distanciation sociale ou encore au risque de comorbidités).
18 molécules étudiées
Pour explorer un éventuel effet protecteur des médicaments utilisés en psychiatrie, les auteurs ont identifié les 18 molécules* (anxiolytique, antidépresseur, antipsychotique, antihistaminique...) les plus prescrites dans le service de psychiatrie de l'hôpital Henri-Mondor (Créteil), entre 2019 et avril 2020. Puis ils ont recherché dans la littérature si elles avaient une activité antivirale connue, au moins in vitro, ou lorsque tel n'était pas le cas, les ont comparés avec des molécules similaires sur le plan chimique et à l'effet antiviral démontré.
Sur les 18 médicaments analysés, 10 avaient une activité antivirale documentée, et 4 étaient proches de molécules ayant un tel effet.
Perturber l'entrée du virus
Les auteurs mettent en lumière le fait que la majorité (14) des 18 traitements a des propriétés cationiques amphiphiles (CAD), susceptibles de perturber le trafic intracellulaire (comme d'ailleurs l'hydroxychloroquine et la chloroquine). « Ce type de molécule peut donc perturber l'entrée du virus et son trafic à l'intérieur d'une cellule », explique le Dr Bruno Villoutreix, directeur de recherche à l'Inserm. « Elles peuvent perturber notamment l'endocytose, tout le système du lysosome, la digestion intracellulaire. Certaines molécules cationiques amphiphiles vont aussi induire des phospholipidoses, c'est-à-dire une accumulation des phospholipides dans certaines régions de la cellule », précise-t-il.
En parallèle de cette action sur l'endocytose, les psychotropes pourraient aussi modifier le fonctionnement d'autres récepteurs des cellules humaines. « Mais ces interactions parallèles ne sont pas encore bien connues et doivent encore être explorées », commente le Dr Villoutreix.
Les quatre traitements testés dans cette étude n'ayant ni propriétés cationiques amphiphiles, ni capacité de provoquer des phospholipidoses, sont le lithium, le diazépam, le lorazépam et le valproate.
Une étude au GHU Paris Sainte-Anne
Désormais, d'autres tests in vitro et sur modèles animaux, doivent permettre d'identifier « les composés les plus performants en prévention du Covid-19 et avec le moins d'effets secondaires, afin d'établir un protocole de recherche et lancer une phase clinique », précise le chercheur.
La piste des psychotropes devrait aussi s'enrichir des résultats de l'essai ReCoVery piloté par le GHU Paris Sainte-Anne destiné à évaluer la capacité de la chlorpromazine à diminuer l'évolution défavorable du Covid-19 et à réduire la contagiosité du SARS-CoV-2, ou encore des travaux d'une équipe américaine, qui a cartographié les interactions entre les protéines du SARS-CoV-2 et les protéines humaines pendant l’infection, mettant en évidence les propriétés antivirales in vitro des antihistaminiques clopérastine et clémastine et des antipsychotiques halopéridol et melpérone.
* Alimemazine, amisulpride, aripiprazole, cétirizine, citalopram, clozapine, cyamemazin, diazepam, escitalopram, hydroxyzine, lithium, lorazépam, mélatonine, nicotine, quetiapine, sertraline, valproate, zopiclone
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