« Il était un mélange d’intuition lumineuse et du sens peu commun de la stratégie expérimentale », dit de lui son collègue et ami François Gros. La rencontre entre les deux hommes a lieu en 1948, deux avant que François Jacob ne rejoigne l’Institut Pasteur pour y entamer une carrière de chercheur sous la direction d’André Lwoff. Une direction qu’il est contraint de prendre après avoir renoncé à une vocation de chirurgien en raison de blessures de guerre trop importantes et douloureuses.
Évoquant « l’atmosphère exaltée et inspirée des chahuts d’étudiants » qui règne alors dans les couloirs de l’Institut Pasteur, François Gros se rappelle d’une époque où « les déjeuners étaient l’occasion d’échanges vifs et d’instants de concertation intenses entre Jacques Monod, André Lwoff et François Jacob qui préfiguraient la grande épopée de la régulation génétique ».
« L’être humain est programmé pour apprendre »
Cinq années après avoir été promu chef du service de génétique cellulaire à Pasteur et un an après l’attribution de la chaire du même nom au Collège de France, François Jacob reçoit en 1965 le prix Nobel de physiologie ou médecine, conjointement avec Jacques Monod et André Lwoff. Couronnés pour leurs découvertes des mécanismes génétiques responsables des échanges de gènes entre les bactéries, ils apporteront avec ces travaux une nouvelle compréhension du vivant et ouvriront la voie à la découverte du rôle de l’ARN messager et des techniques du génie génétique.
« Fasciné par le développement embryonnaire », comme l’a rappelé une autre de ses éminentes collègues, la biologiste Nicole le Douarin, François Jacob se lance en 1967 dans une nouvelle voie de recherche dans laquelle il fait preuve de « son sens extraordinaire de la synthèse heuristique ».
Celui qui déclara que, « comme tout programme vivant, l’être humain est génétiquement programmé, mais programmé pour apprendre » et pour lequel « la diversité est une sorte d’assurance sur l’avenir », reste aux yeux de ceux qui l’ont connu et travaillé avec lui un être hors norme. Nicole le Douarin rappelle à ce propos que « l’une des clés de son efficacité reste la grande diversité de sa culture » et que « dans l’héritage qu’il lègue, la part du philosophe et de l’épistémologue demeurent également essentielles ».
Un scientifique et un héros
Biologiste, généticien, mais aussi comme le rappelle François Gros, « philosophe, historien des sciences, enseignant, écrivain … », François Jacob laisse derrière lui le souvenir d’un penseur éclairé, auteur de nombreux ouvrages de vulgarisation à portée philosophique. Hélène Carrère d’Encausse, Secrétaire perpétuel de l’Académie française au sein de laquelle entre François Jacob en 1996, évoque « un frère plus qu’un confrère » et rappelle « l’académicien exemplaire » qu’il fut, notamment de par « le rôle essentiel qu’il a joué dans les travaux de la commission de terminologie destinée à mettre en français le langage des sciences et des techniques, alors entièrement dominé par l’anglais ». Lui-même expliquait d’ailleurs avec amusement qu’ « à l’Académie il faut être bon élève. Et je suis bon élève ».
S’inscrivant chez « les Immortels », à la fois « dans le groupe des scientifiques et dans celui des héros », l’homme est évoqué par H. Carrère d’Encausse comme « ayant consacré toutes ses pensées à la science, mais également à son pays ». Outre ses titres et distinctions scientifiques, François Jacob était également Grand’Croix de la Légion d’Honneur, Compagnon de la Libération (Chancelier de l’Ordre de 2007 à 2011), Grand Officier de l’Ordre National du Mérite et Croix de guerre 1939-1945. Des honneurs chèrement acquis pour défendre des valeurs qui l’animèrent toute sa vie durant.
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