Galien 2022 : huit lauréats, trois médicaments, deux coups de cœur

Publié le 15/12/2022

Le palmarès du prix Galien 2022, qui a été dévoilé le 15 décembre à la Maison de la Chimie à Paris, récompense huit lauréats et deux coups de cœur dans les volets Médicament, Travaux de recherche, Dispositif médical, Accompagnement du patient et E-santé.

Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Volet Médicament

Catégorie « Médicaments utilisés en thérapeutique hospitalière »

Darzalex dans le myélome multiple et l'amylose AL

Darzalex (daratumumab) du laboratoire Janssen-Cilag, premier anticorps monoclonal anti-CD38 disponible sous formes intraveineuse (IV) et sous-cutanée (SC), est indiqué dans le traitement, dès la première ligne, du myélome multiple et de l’amylose systémique à chaînes légères (AL), le plus souvent en association avec d’autres produits.

Le myélome multiple, dont l'incidence est d'environ 5 000 cas par an, reste incurable avec une survie moyenne de cinq à sept ans. L'amylose AL (environ 500 nouveaux cas par an) survient le plus souvent entre 60 et 70 ans mais peut toucher des patients beaucoup plus jeunes.

Le daratumumab est le premier anticorps monoclonal à cibler le récepteur transmembranaire CD38, présent en grande quantité à la surface des cellules tumorales du myélome multiple. Son activité repose à la fois sur son action cytotoxique directe et sur son effet immunomodulateur.

La forme SC présente le gros avantage de réduire de plusieurs heures à quelques minutes la durée d'administration du daratumumab. Cette forme pharmaceutique est administrée à dose fixe (moins d'erreurs médicamenteuses).

Dans le myélome multiple nouvellement diagnostiqué et non éligible à une autogreffe de cellules souches, le daratumumab (voie IV ou SC) est prescrit en association avec le lénalidomide et la dexaméthasone ou avec le bortézomib, le melphalan et la prednisone. Dans le myélome multiple nouvellement diagnostiqué et éligible à une autogreffe de cellules souches, l'anticorps monoclonal (voie IV ou SC) est combiné avec le bortézomib, le thalidomide et la dexaméthasone.

Dans l'amylose AL, il est indiqué chez les adultes nouvellement diagnostiqués en association avec le cyclophosphamide, le bortézomib et la dexaméthasone.

Il s’agit d’un médicament soumis à prescription hospitalière, réservé aux spécialistes en oncologie, en hématologie ou aux médecins compétents en cancérologie ou en maladies du sang.

Catégorie « Médicaments destinés aux maladies rares »

Le Zolgensma change la donne dans l'amyotrophie spinale infantile

Zolgensma (onasemnogene abeparvovec) de Novartis Gene Therapies est indiqué dans le traitement des patients atteints d’amyotrophie spinale (SMA) 5q avec une mutation bi-allélique du gène SMN1 et ayant un diagnostic clinique de SMA de type 1, ou des patients atteints de SMA 5q avec une mutation bi-allélique du gène SMN1 et jusqu’à trois copies du gène SMN2.

Depuis le mois d'octobre, le dépistage néonatal de l'amyotrophie spinale infantile est expérimenté dans le Grand Est et en Nouvelle-Aquitaine. Il existe maintenant des traitements efficaces de cette maladie rare : Spinraza, Evrysdi, et surtout la première thérapie génique dans cette indication, Zolgensma. Les perspectives thérapeutiques sont d'autant plus grandes que la prise en charge est précoce.

Le diagnostic est avant tout clinique : atteinte motrice périphérique avec hypotonie ou faiblesse musculaire qui prédomine à la racine des membres. Les réflexes ostéotendineux sont rapidement abolis ou diminués, avec apparition des premiers symptômes avant l'âge de 6 mois à 18 mois. Zolgensma permet de ralentir la progression de la maladie, d'augmenter l'espérance de vie mais pas de regagner la mobilité perdue.

La thérapie génique s'administre en une seule injection intraveineuse et se compose d’un virus adéno-associé de sérotype 9 (AAV9), recombinant non réplicatif dont l’ADN a été remplacé par un transgène, l’ADNc du gène humain de survie du motoneurone (SMN). En France, le Zolgensma est disponible dans le cadre d’un dispositif post-ATU, qui suit les mêmes conditions que l’autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne obtenue en mai 2021.

Il est réservé à l'usage hospitalier et sera prescrit après avis d'une réunion de concertation pluridisciplinaire au sein de la filière de soins Filnemus.

Catégorie « Médicaments de thérapie innovante »

Kimmtrak dans le mélanome uvéal

Kimmtrak (tebentafusp, société Immunocore) est indiqué en monothérapie dans le traitement du mélanome uvéal non résécable ou métastatique chez les patients adultes positifs à l’antigène leucocytaire humain HLA A*02:01. Il s'agit de la première thérapie à base de récepteurs des lymphocytes T (TCR).

Le mélanome uvéal est la tumeur maligne intra-oculaire la plus fréquente
chez l’adulte. La forme métastatique est rare, mais agressive, et il n’existe pas de traitement de référence pour ces patients.

Développé grâce à la plateforme ImmTAC, le tebentafusp est une protéine de fusion bispécifique, constituée d’un TCR fusionné à un fragment d’anticorps ciblant le complexe CD3. Le médicament entraîne l'activation des lymphocytes T polyclonaux qui libèrent des cytokines inflammatoires et des protéines cytolytiques, entraînant la lyse des mélanocytes tumoraux.

Kimmtrak est administré par voie veineuse, sous la supervision d’un médecin expérimenté, en raison du risque de syndrome de relargage des cytokines. Une hospitalisation est recommandée au minimum pour les trois premières perfusions. Le traitement est à poursuivre tant que le patient en retire un bénéfice clinique.

Volet travaux de recherche

Les syndromes d'hypercroissance dysharmonieuse, des maladies rares déformantes

Le Pr Guillaume Canaud, 46 ans, néphrologue de formation, est responsable d'une unité de recherche au sein de l'université Paris Cité. Il travaille sur les syndromes d’hypercroissance dysharmonieuse. Il a créé le premier modèle préclinique de ces maladies rares, identifié une molécule à visée thérapeutique, l'alpelisib, et obtenu une autorisation accélérée de mise sur le marché américain. Il s'agit du premier et seul traitement disponible pour ces patients.

Les syndromes d'hypercroissance dysharmonieuse se caractérisent par des déformations majeures et des tuméfactions vasculaires dues à des mutations du gène PIK3CA. La présentation clinique est très variable en fonction des tissus affectés, les formes sévères pouvant toucher l'ensemble du corps, comme le syndrome de Cloves.

Jusqu’alors, les seules options thérapeutiques étaient symptomatiques. Dans les cas les plus graves, des interventions chirurgicales mutilantes étaient nécessaires pour préserver les organes ou les membres sains.

Le gène PIK3CA, qui régule la prolifération et la croissance des cellules, est aussi muté dans un certain nombre de cancers (sein et côlon). L'équipe a identifié un inhibiteur de PIK3CA (alpelisib), à l'époque encore en développement en oncologie par le laboratoire Novartis, et a démontré son efficacité dans le modèle expérimental pour prévenir et améliorer les malformations. Après des résultats spectaculaires chez 19 patients (4 à 52 ans) présentant une forme sévère, le service du Pr Canaud est devenu le centre mondial de la maladie. 

Volet Dispositif médical

Endotest, un test salivaire de l'endométriose

L'Endotest, développé par la start-up française Ziwig, est le premier test salivaire de diagnostic de l’endométriose. Ce dispositif s’appuie sur deux technologies de rupture : le séquençage haut débit des microARN et leur analyse par ­bio-informatique utilisant l’intelligence artificielle.

L'Endotest bénéficie du marquage CE. En France, sa mise à disposition et son prix font l’objet d’une évaluation par les autorités de santé. Ce test simple, rapide et non invasif devrait permettre de réduire l'errance diagnostique en apportant un résultat en quelques jours, alors que le délai moyen avant un diagnostic est de sept ans.

Le test de Ziwig s'appuie sur les microARN (miARN), un type d'ARN interférent : ce sont de petits ARN non codants, qui peuvent empêcher l'expression d'un gène (et donc la synthèse d'une protéine) en se fixant sur un ARN messager spécifique. Un lien direct entre la dérégulation de certains miARN et le développement des lésions d’endométriose a été mis en évidence.

L'essai clinique Endo-miRNA a permis d’identifier une signature de 109 miARN, présents dans la salive, caractéristique de l’endométriose. Le test fondé sur cette signature permet de détecter tous les types d’endométriose, des formes superficielles aux profondes, y compris dans les cas complexes avec une fiabilité proche de 100 % (sensibilité de 97 %, spécificité de 100 %, précision diagnostique de 98 %).

Volet Accompagnement du patient

Un simulateur d'aides financières et sociales pour les aidants

L'Association française de l’atrésie de l’œsophage (Afao) propose le premier simulateur d'aides financières et sociales destiné aux aidants. Le patient et l'aidant sont souvent perdus dans un labyrinthe administratif, où les procédures ou conditions d'accès sont complexes.

Réalisé avec l'aide de deux juristes, le simulateur en ligne proposé sur le site de l'association précise les aides auxquelles le proche peut prétendre en fonction de sa situation personnelle et de celle de la personne aidée. Il s’adresse aux personnes atteintes d’une maladie rare ou chronique, d’un handicap, mais également aux personnes victimes d’un accident grave devant subir de longues hospitalisations. Chaque utilisateur peut y accéder gratuitement sur afao.asso.fr/simulateur.

Volet E-santé

Catégorie « Grandes entreprises »

Vidal Ma santé : limiter le mésusage des médicaments

Le mésusage des médicaments aurait été responsable en 2022 de plus de 10 000 décès et de nombreuses complications, selon l’Association pour le bon usage du médicament. L’application « Vidal Ma santé » se place comme un « compagnon » de la prise des traitements. Les utilisateurs peuvent y trouver une information fiable dans un langage compréhensible par tous en scannant leurs boîtes de médicaments, mais aussi renseigner leurs traitements et recevoir des notifications de rappel de prise, accéder à un agenda pour les rendez-vous et les renouvellements ou encore personnaliser leur profil pour sécuriser l’automédication. L’application entend ainsi favoriser un « gain d’autonomie » pour le patient et être un « relais de confiance » pour les professionnels de santé.

Catégorie « Start-up »

Présage, pour le maintien à domicile des seniors

Préserver l’autonomie des seniors passe par la prévention des hospitalisations en urgence. C’est ce créneau qu’investit l’outil Présage, une solution de télésurveillance fondée sur l’intelligence artificielle (IA). Une application recueille des observations sur l’état fonctionnel du patient (25 questions fermées, à renseigner une à deux fois par semaine). Un algorithme analyse ensuite les réponses et prédit les risques gériatriques, d’urgence ou d’hospitalisation dans les 7 à 14 jours. L’application alerte si besoin le médecin traitant et délivre des recommandations personnalisées aux aidants et intervenants. D'après l’Agence du numérique en santé (rapport de 2022), 80 % des urgences sont prédites dans les 7 à 14 jours. La solution permet ainsi de réduire de 30 % les hospitalisations et de 40 % les durées moyennes de séjour.

Coup de cœur : Highway to Health

Le programme Highway to Health (HTH), lancé par l'association Aïda, a pour objectif de briser l'isolement et de libérer la parole des adolescents et jeunes adultes (AJA) touchés par un cancer. En France, chaque année, ce sont 3 500 jeunes de moins de 25 ans qui voient leur élan de vie brisé par la maladie.

HTH propose (gratuitement) à ces jeunes de 13 à 25 ans, en fin de traitement ou en rémission, des week-ends, voire des apéros par ville, pour se rencontrer loin de l'hôpital et se reconstruire, grâce à l'intervention de bénévoles, d'associations, et de coachs, psychologues et sophrologues. Le budget global alloué est de 150 00  euros, soit 500 euros par participant et par an.

Coup de cœur : AudioMate

La start-up Sonup a développé le dispositif AudioMate (application, casque Bluetooth calibré), pour le suivi audiologique à domicile des patients prenant des traitements ototoxiques (chimiothérapies) afin d'informer instantanément les équipes soignantes. Encore en phase pilote, le dispositif pourrait être rendu disponible via un forfait d’utilisation (location du matériel et application). Les médecins pourront percevoir un forfait pour l’éducation thérapeutique et un forfait de télésuivi.

Dossier réalisé par la rédaction

Source : Le Quotidien du médecin