« La douleur chronique doit être considérée comme une maladie à part entière », l'appel d'une soixantaine de spécialistes

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Publié le 17/10/2017
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Crédit photo : PHANIE

La Société française d’étude et de traitement de la douleur (SFETD) publie un Livre blanc dans lequel elle appelle à une vraie reconnaissance de la discipline et prône la mise en place d’un programme concerté d’action de lutte.

Douze millions de Français concernés

Le bilan que dresse le « Livre blanc de la douleur 2017 » quant à la prise en charge des patients douloureux révèle les profondes lacunes d’un dispositif qui n’évolue plus depuis quelques années et dont l’existence même reste fragile. Ainsi, on estime qu’au moins 12 millions de Français souffrent de douleurs chroniques et que seuls 30 % d’entre eux reçoivent un traitement approprié. Au sein de cette population, 45 % sont concernés par des arrêts de travail de longue durée et le coût moyen des hospitalisations en hôpital public et privé représente respectivement 14 500 et 7 000 euros par patient et par an.

Moins de 3 % des patients douloureux bénéficient d’une prise en charge dans un des 245 centres spécialisés (dont les deux tiers sont dévolus aux seules consultations) qui sont, selon la SFETD, menacés de disparition pour un tiers d’entre eux dans les trois prochaines années si rien n’est fait pour les pérenniser.

Au-delà de l’enjeu économique et social, le Pr Serge Perrot, rhumatologue spécialiste de la douleur et président de la SFETD, considère qu’il en va également d’une question morale et d’un défi lancé à la médecine moderne. Selon lui, la prise en charge de la douleur « doit constituer l’un des socles de la médecine du XXIe siècle » puisqu’elle concerne tout le monde et notamment l’ensemble des professionnels de santé. À ce saut dans la modernité souhaité, le Pr Perrot oppose la difficulté de devoir composer avec un arsenal thérapeutique dépassé : « On travaille dans un domaine compliqué qui résiste en partie à la pharmacopée qui est ancienne et peu diversifiée. »

Face à cette difficulté, il avoue d’ailleurs que 80 % des médicaments qu’il prescrit dans ce champ sont hors AMM. Souhaitant vivement que de nouvelles molécules puissent apparaître rapidement sur le marché, il n’en oublie pas pour autant l’importance des thérapies non médicamenteuses qui constituent d’ailleurs l’une des neuf propositions d’amélioration listées dans le Livre blanc.

Une vraie discipline universitaire et une spécialité médicale à part entière

Regrettant avoir encore à « se battre » pour prouver à des collègues issus de toutes les spécialités l’importance d’une bonne prise en charge de la douleur, le Pr Perrot rappelle que des études récentes ont montré l’influence positive du traitement de la douleur sur l’espérance de vie, notamment chez des patients atteints de cancers. Il estime qu’il faudrait considérer la douleur, non seulement comme « un facteur de risque associé à d’autres maladies », mais surtout comme « une pathologie à part entière » telle quelle apparaîtra d’ailleurs dans le prochain classement international des maladies de l’OMS, le CIM-11 à paraître en 2018.

En plus du maintien et de la consolidation des centres spécialisés existants, le Livre blanc pointe la nécessité de renforcer la formation de tous les professionnels de santé à la prise en charge de la douleur et mieux impliquer les acteurs de premier recours que sont les médecins généralistes et les pharmaciens.

Actuellement, un maximum de 20 heures lui sont consacrées en deuxième cycle des études de médecine et encore moins dans les instituts de formation des infirmières ou en psychologie. Pour les 60 auteurs de ce manifeste, il est donc temps de faire de l’étude et du traitement la douleur une vraie discipline universitaire, ainsi qu’une spécialité médicale à part entière pour pérenniser l’existant, améliorer les situations de prise en charge pour les populations les plus vulnérables et, in fine, améliorer la prise en charge des patients.


Source : lequotidiendumedecin.fr