La PrEP à la demande : la preuve par Ipergay

Publié le 03/12/2015
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Une baisse du risque de contamination par le VIH de 86 % sans augmentation des comportements à risque… Selon les résultats de l’étude Ipergay publiés dans le « New England Journal of Medicine », la prophylaxie pré-exposition à la demande peut être une arme décisive dans la prévention du VIH, à condition de ne pas oublier tout le volet éducatif qui doit l’accompagner.

En février dernier, les résultats principaux de l’étude ANRS IPERGAY (Intervention Préventive de l’Exposition aux Risques avec et pour les Gay) sur l’efficacité de la prophylaxie pré-exposition (PrEP) à la demande dans la prévention des contaminations par le VIH étaient présentés en grande pompe lors de la 22e conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes (CROI) de Seattle.

Près d’un an plus tard, et alors que la PrEP est en train de devenir une réalité en France, les résultats définitifs publiés dans le « NEJM » montrent que non seulement la PrEP à la demande procure une bonne protection à des participants correctement sensibilisés, mais elle n’augmente pas les comportements à risque.

Un des tours de force de l’étude Ipergay est d’avoir été menée en double aveugle sur 400 volontaires masculins non infectés par le VIH ayant des relations sexuelles à risque avec des hommes. Ces participants ont été aléatoirement répartis entre un groupe recevant du Truvada (emtricitabine, ténofovir disoproxil) à utiliser avant et après un rapport sexuel présentant un risque de transmission du VIH et un groupe de 201 volontaires recevant un placebo.

Les volontaires devaient prendre deux comprimés dans les 24 heures qui précèdent le rapport sexuel, suivi d’un troisième 24 heures plus tard et d’un quatrième au bout de 48 heures. Ils pouvaient ne prendre qu’un seul comprimé en guise de dose de charge si la dernière prise de Truvada remontait à moins d’une semaine.

Au terme d’un suivi médian de 9,3 mois, 14 membres du groupe placebo ont été infectés par le VIH contre seulement 2 du groupe Truvada, soit un taux de protection de 86 %. Aucun des deux ne prenait son traitement. En médiane, les participants ont pris 15 comprimés par mois avec de très fortes variabilités individuelles. Les résultats préliminaires avaient convaincu le comité indépendant de surveillance de l'étude ANRS-IPERGAY de faire basculer les patients du groupe placebo dans le groupe Truvada dès le 23 octobre 2014, avant la date de fin programmée de l’étude. L’incidence du VIH dans le groupe placébo était très élevée de 6,6/100 personnes années.

Un rouage dans une machine complète

L’une des craintes associées à la PrEP était l’accroissement des comportements sexuels à risque. Un tel phénomène n’a pas été observé dans l’essai Ipergay, puisque le nombre total de relations sexuelles au cours des quatre semaines qui ont précédé l’entrée dans l’étude n’était pas significativement plus élevé qu’au cours des quatre semaines suivantes, de même que le pourcentage de relations anales pratiquées sans préservatif. Il y avait une différence dans le nombre moyen de partenaires sur une période de deux mois puisque ce nombre avait légèrement décru dans le groupe placebo (7,5 contre 8 dans le groupe sous Truvada). En revanche, le nombre des infections sexuellement transmissibles (IST) diagnostiqué au cours du suivi était très élevée : 41 % dans le groupe Truvada; 33 % dans le groupe placebo. « Dans 90 % des cas, ces IST étaient asymptomatiques, précise-t-il, la plupart de ces gonorrhées étaient des portages oropharyngés ou anaux qui n’auraient pas été dépistés s’ils n’étaient pas rentrés dans un programme de PrEP », explique le Pr Gilles Pialoux, chef de service des maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital Tenon (AP-HP) et coauteur de l’étude. Selon lui, ce fort taux d’IST est le signe de la pertinence d’une prise en charge globale de la santé sexuelle dans s’insère la PrEP. Une sous étude Ipergay est d’ailleurs en cours, concernant le dépistage des IST. Selon le Pr Jean-Michel Molina, autre co-auteur, le résultat d’Ipergay a été rendu possible parce que la PrEP est intégrée dans une prise en charge qui allie éducation du patient et dont « le préservatif doit rester la pierre angulaire. »

Au cours de l’essai ANRS-IPERGAY moins de la moitié (43 %) des patients prenait régulièrement leur PrEP, puisque 28 % des participants n’utilisaient pas les comprimés qui leur étaient fournis et 29 % les prenaient à des doses non optimales.

Damien Coulomb

Source : Le Quotidien du Médecin: 9455