Face à une infection Covid, pourquoi l'efficacité de la réponse immunitaire mise en place par l'organisme est-elle variable d'un individu à l'autre ? Une étude américaine parue dans « Cell » met en évidence l'importance de la coordination entre réponse humorale et réponse cellulaire, tandis qu'une étude australienne publiée dans les « PNAS » suggère que le virus SARS-CoV-2 pourrait réduire l'efficacité de la réponse médiée par les lymphocytes T CD8 cytotoxiques.
« Il ressort de ces deux études que chez les patients qui développent une forme sévère de la maladie, l'immunité ne se met pas en place correctement », indique au « Quotidien » Morgane Bomsel, chercheuse CNRS/INSERM à l’Institut Cochin.
Coordination
Dans l'étude de « Cell » (1), les auteurs ont étudié les éléments de la réponse immunitaire adaptative, qui comprend la réponse humorale basée sur les anticorps et la réponse cellulaire via les lymphocytes T CD4 (auxiliaires) et CD8. Pour cela, ils se sont appuyés sur une cohorte de 54 sujets, incluant 24 patients Covid sévères, 15 patients convalescents et 15 patients non exposés (contrôle).
À partir d'échantillons sanguins, les chercheurs ont quantifié par différentes méthodes leurs taux d'anticorps anti-SARS-CoV-2 (dont les anticorps neutralisants) ainsi que leurs taux de lymphocytes T CD4 et CD8 spécifiques du SARS-CoV-2. « Dans cette étude, seule la réponse immunitaire au niveau du sang a été étudiée, alors que la réponse immunitaire se met aussi en place au niveau des poumons », pointe Morgane Bomsel.
Ces différentes analyses montrent qu'une réponse adaptative coordonnée entre anticorps, cellules CD4 et cellules CD8 est associée à une forme peu sévère de Covid-19. « Cette étude confirme ainsi que face à l'infection SARS-CoV-2, la coordination entre les trois branches de la réponse adaptative est importante, comme c'est le cas pour d'autres virus, souligne Samira Fafi-Kremer, directrice de l'institut de virologie de Strasbourg. La réponse immunitaire est un processus très complexe, et c'est la coordination de tous les paramètres en jeu qui permet d'obtenir une réponse efficace ».
Cette étude montre aussi le rôle particulier des cellules CD4 : « par rapport à d'autres types d'infections, chez les personnes qui ont une infection plus sévère de Covid-19, les cellules CD4 sont présentes en plus faible quantité », note Samira Fafi-Kremer.
En étudiant les réponses adaptatives en fonction de l'âge, les auteurs ont constaté que les personnes âgées de plus de 65 ans présentaient une réponse moins coordonnée que les plus jeunes patients, avec une plus faible quantité de cellules T produites. Cette observation pourrait en partie s'expliquer par le fait que le stock de cellules T naïves diminue au cours du vieillissement. « Il est connu que l'âge contribue à l'immunosénescence, avec une diminution du répertoire cellulaire. Mais d'autres paramètres entrent certainement en jeu, comme la présence de comorbidités ou les spécificités liées au système HLA de l'individu », précise Samira Fafi-Kremer.
Une réponse peu efficace
Pour Morgane Bomsel, le papier de « Cell » ne va pas assez loin dans la caractérisation de la réponse : « cette étude confirme des éléments connus, mais l'étude parue dans les « PNAS » (2) est plus précise et apporte plus d'éléments nouveaux sur la réponse immunitaire face au SARS-CoV-2 ». En effet, les chercheurs n'ont pas seulement quantifié la réponse adaptative mais ont tenté d'évaluer l'effet protecteur de cette réponse cellulaire : ils se sont intéressés en particulier à la capacité des lymphocytes T cytotoxiques CD8 à détruire les cellules infectées. Pour cela, ils ont comparé les données cellulaires d'un groupe de 18 patients d'âge médian 54 ans — comprenant un asymptomatique, dix symptomatiques en ambulatoire et sept patients symptomatiques hospitalisés — à un groupe contrôle de 17 personnes non infectées.
« Ils ont montré que chez des personnes infectées par le Covid avec un profil HLA-A*02:01, c'est-à-dire la moitié de la population, on retrouve des lymphocytes T CD8 cytotoxiques, mais l'intensité de la réponse et son efficacité sont réduites par rapport à d'autres pathologies virales comme la grippe, résume Morgane Bomsel. La réponse cellulaire est donc bien présente, mais semble peu efficace au cours de la maladie ». Pour la chercheuse, ces résultats suggèrent que le virus a pu mettre en place un mécanisme de défense face aux cellules T.
(1) C. Rydyznski Moderbacher et al., Cell, doi.org/10.1016/j.cell.2020.09.038, 2020.
(2) J. R. Habela et al., Proc Natl Acad Sci, doi: 10.1073/pnas.2015486117, 2020.
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