Après des mois d’échange avec le médiateur européen et divers acteurs comme le comité éditorial du « BMJ » ou les membres des centres Cochrane, l’Agence européenne du médicament (EMA) a adopté en octobre dernier une nouvelle réglementation garantissant à tous ceux qui en font la demande un accès complet aux données cliniques qui lui sont fournies dans le cadre des demandes d’autorisation de mise sur le marché.
Cette nouvelle version représente un assouplissement considérable, comparé à la première version proposée en mai dernier, qui n’autorisait la consultation des données que sur un navigateur Web, sans possibilité de les télécharger ou les imprimer. Tous les utilisateurs devaient en outre reconnaître que les informations consultées sont protégées par un copyright et qu’ils pourraient être poursuivis devant un tribunal britannique selon l’utilisation qui en était faite.
La quête de la rétroactivité
Si le médiateur européen, Émily O’Reilly, salue les efforts de transparence de l’agence européenne du médicament (EMA), elle regrette que cette ouverture ne concerne pas les données confiées avant janvier 2015. « Nous pensons que l’ensemble des données de l’EMA devraient être disponibles, avec bien sûr des restrictions en ce qui concerne l’identité des patients, explique-t-elle. Il est important que l’on puisse facilement réanalyser ces données, mêmes plusieurs années après la mise sur le marché. »
Cette mine d’information intéresse en effet fortement les chercheurs, notamment ceux des centres Cochrane, qui espèrent ainsi réanalyser les essais de phase 3 servant de bases aux Comité des médicaments à usage humain (CHMP) de l’EMA pour recommander les mises sur le marché des médicaments.
On y trouve en effet des informations qui ne figurent pas dans les publications scientifiques et des résultats non publiés. Ainsi, une étude parue dans le « BMJ » (1) a mis en évidence, l’année dernière, des différences entre les effets secondaires de la duloxétine signalés dans la littérature et ceux retrouvés dans les données de l’EMA.
Données économiquement sensibles
Depuis 2012, les médiateurs européens successifs sont très impliqués dans l’adoption de la nouvelle politique de transparence de l’EMA. Un événement déclencheur fut le procès intenté par AbbVie, qui reprochait à l’agence d’avoir divulgué des données « économiquement sensibles » sur Humira, son traitement contre la polyarthrite rhumatoïde. La rédaction de la nouvelle réglementation avait également été accélérée par un vote du parlement européen, le 2 avril 2014, en faveur de l’ouverture au public des données cliniques.
Malgré les bonnes intentions affichées, la première version proposée en mai 2014 par l’EMA a déçu beaucoup de monde, dont Émily O’Reilly. « C’était un vrai retour en arrière. Les données considérées comme économiquement sensibles par les promoteurs des études étaient censurées. Il n’y a rien qui concerne leur procédé de fabrication dans les documents de l’EMA, je ne comprends donc pas ce que recouvre cette notion d’importance stratégique », relève-t-elle.
Le dialogue va se poursuivre autour de la question de la rétroactivité des nouvelles règles d’accès. En dernier recours, le médiateur européen pourra faire un rapport au parlement européen.
(1) Emma Maud et al, Benefits and harms in clinical trials of duloxetine for treatment of major depressive disorder : comparison of clinical study reports trial registries, and publications
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