Tout n'est pas fini après avoir échappé au pire avec la maladie Ebola. La cohorte guinéenne Postebogui, la plus grosse cohorte post-Ebola d'Afrique de l'Ouest au cours de l'épidémie 2013-2016 mise en place par l'INSERM en partenariat avec l'Institut de Recherche et de Développement (IRD) et le CHU de Donka à Conakry, apporte des éléments nouveaux pour les recommandations de suivi après la phase aiguë de l'infection.
Sur les 800 survivants inclus à partir de mars 2015, dont des enfants pour la première fois (20 % des participants étaient mineurs), près de 3 sur 4 déclarent encore avoir des problèmes de santé à 12 mois de l'hospitalisation initiale. « L'ampleur de la dernière épidémie a mis en lumière la réalité d'un syndrome post-Ebola, jusque-là évoqué mais sans preuve formelle », explique le Pr Éric Delaporte, directeur de recherche à l'IRD à Montpellier et auteur principal de l'étude publié dans « The Lancet Infectious Diseases ».
Ce projet de recherche-intervention, financé jusqu'en juin 2018, décrit l'état de santé des survivants tout en assurant la continuité des soins sur place. « Dans l'urgence de l'épidémie, seule importait la guérison biologique à la PCR. Peu voire pas d'attention était portée quant à la guérison somatique et psychologique », se souvient Éric Delaporte. Les participants, inclus dans en moyenne 4 mois après leur infection initiale, ont été suivis à 1, 3, 6, 9 et 12 mois sur le plan biologique, psychologique, sociologique ainsi que sur la mesure de la charge virale.
Une forte stigmatisation sociale
Or plus de 40 % présentent une asthénie et de la fièvre, mais parmi les symptômes les plus fréquents, il y a également les douleurs musculaires (38 %) et abdominales (22 %), les problèmes visuels parfois graves (18 %) et de dépression (17 %) mais aussi d'autres troubles psychologiques (anxiété, névroses). Un quart des survivants rapporte souffrir de stigmatisation, avec parfois perte d'emploi et rejet des proches et retour à domicile impossible. « Certains survivants tombent dans une grande précarité », déplore Éric Delaporte. Quant à la persistance du virus, elle est avérée dans le sperme chez 5 % des hommes jusqu'à 18 mois après l'infection mais pas dans les sécrétions vaginales, l'urine, ni la salive (fécès en cours).
« La bonne nouvelle, c'est que ces manifestations post-Ebola n'étaient graves que dans de rares cas de surdités et de cécités, souligne le Pr Delaporte. Sur presqu'un quart de sujets déprimés, il y a eu un passage à l'acte. Sur le plan biologique, on a constaté qu'il n'y avait pas d'anémie grave ni d'insuffisance rénale grave, contrairement à ce que craignait l'OMS. De plus la fréquence des symptômes et leur intensité diminuent avec le temps ».
Le syndrome post-Ebola des enfants était différent des adultes avec plus d'épisodes de fièvre sur le long terme mais moins de douleurs musculo-squelettiques et de problèmes oculaires.
La question de la réactivation virale dans l'œil
Comme dans la cohorte du Sierra Leone, les problèmes ophtalmiques ont surpris par leur fréquence : conjonctivites, uvéites, cataractes, glaucomes, troubles de la vue, douleurs oculaires. « Il apparaît clairement qu'un suivi ophtalmologique est nécessaire », commente le Pr Delaporte. Et au-delà, leur fluctuation au cours du temps pose la question des réservoirs avec réactivation chez les survivants, comme les rares cas décrits dans l'hémisphère Nord, une méningite chez une infirmière britannique ou encore une uvéite chez un médecin humanitaire américain.
La persistance et la réactivation du virus au niveau de l'œil ne restent que des hypothèses. « La ponction intra-oculaire n'a pas été faite faute de pourvoir le faire dans des conditions de sécurité satisfaisante sur place en laboratoire P4, explique le Pr Delaporte. Pourtant, une réponse nous serait très utile pour organiser la prise en charge des quelques cas de cécité chez des enfants et adultes par cataracte inflammatoire post-uvéite. Dans le doute, aucune chirurgie ne peut être réalisée ».
Concernant l'origine des symptômes post-Ebola, l'équipe privilégie l'hypothèse d'effets directs liés au virus, plutôt que la piste d'une réaction immunitaire. « Il existe un continuum entre les formes à la phase aiguë et celles après guérison, explique Éric Delaporte. Les séquelles post-Ebola sont très certainement à rattacher à deux phénomènes différents : à la persistance du virus et à un syndrome post-traumatique pour les douleurs et la dépression ».
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation