LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN - Pourquoi la Fondation d’entreprise Novartis s’intéresse-elle à la problématique de la proximologie ?
THIERRY CALVAT - D’un point de vue sociétal, Novartis s’intéresse au proche, qui est un acteur émergent et méconnu dans le système de santé mais n’en est pas moins très important, d’autant que les aidants familiaux qui accompagnent des malades chroniques sont 3,5 millions en France. Il existe une responsabilité citoyenne à le faire mieux connaître et à l’intégrer dans le système de soins. En outre, le proche de la personne malade prend une part de plus en plus importante dans le développement des thérapeutiques. Certains médicaments n’auraient jamais vu le jour sans la pression exercée par les associations de proches. Il y a une vraie pression aujourd’hui de l’entourage, qui agit également sur les professionnels de santé.
PEUT-ON LAISSER DANS L’OMBRE 3,5 MILLIONS DE PERSONNES ?
Quelles sont les actions menées par la fondation Novartis dans ce domaine ?
Depuis 2006, la fondation a développé 3 grands types d’activité, qui sont complémentaires : le soutien de projets à caractère associatif, la création d’un observatoire de personnes malades et le développement de contenus de formation. Dans le domaine associatif, nous avons soutenu il y a 2 ans, un projet expérimental mené par « Tribu cancer », qui avait mis en place des groupes de parole de proches par téléphone, partant du constat que ces derniers avaient peu de temps… Malheureusement, le projet n’a pas été très concluant. Les gens ne s’inscrivaient pas dans la durée. Nous soutenons également des projets à caractère plus sociétaux, comme ceux de Voisins solidaires, qui propose un soutien de proximité. On les a aidés financièrement et dans l’élaboration de kits, notamment sur la canicule et la pandémie de grippe A.
Nous avons également mis en place un observatoire des personnes malades. Nous avons créé pour cela un panel national d’aidants familiaux. Avec le concours de l’institut BVA, nous avons modélisé les 3,5 millions de personnes concernées. Mille personnes sont interviewées régulièrement sur des thématiques touchant à leur vie quotidienne. Les résultats sont publiés dans la revue « Réciproque », soutenue par Novartis. L’intérêt de cette action est de donner la parole à des personnes qui ont des propos pertinents ou une ouverture intéressante sur une expérience étrangère, avec la volonté d’avoir à la fois des contributions et des témoignages.
Enfin, nous développons des modules de formation, à destination des professionnels de santé mais aussi pour les aidants. Nous avons ainsi mis en place une plateforme de contenus pédagogiques pour les formateurs en IFSI (institut de formation en soins infirmiers) afin de former les élèves de 2 e et 3 e année sur ces thématiques. Pour les aidants, il existe une formation en ligne, afin de mieux les accompagner face à la maladie d’Alzheimer.
Existe-t-il également un accompagnement à destination des entreprises ?
Tout à fait. Nous proposons de former les managers à la gestion des collaborateurs malades ou proches de malades. La population vieillissant, il y a de fortes chances qu’elle travaille plus tardivement. Les entreprises vont se retrouver fragilisées soit par la maladie d’un collaborateur soit par celle d’un proche de collaborateur. Aujourd’hui 7 % environ des collaborateurs qui sont aidants, soit 1 actif sur 15. Les prévisions les plus optimistes, d’ici à une quinzaine d’années, c’est un actif sur 6, ce qui n’est pas négligeable en termes d’activité pour les entreprises !
Quelle sera la problématique principale des Assises ?
La question centrale est de mieux définir la place des proches et surtout d’aboutir à des recommandations pour mieux prendre en compte des situations qui sont parfois difficiles. Ce n’est cependant pas toujours le cas. Certains aidants vivent très bien leur situation. Toutefois, beaucoup d’entre eux finissent, épuisés, par faire un burn out. Le premier aspect est donc l’atteinte à l’intégrité physique de l’aidant. Le second est l’amélioration de l’efficacité du traitement, par un meilleur accompagnement : comment mieux intégrer le proche pour qu’il ait un rôle plus efficace auprès de la personne malade ? Dans le cas d’une personne Alzheimer, on sait par l’étude Pixel qu’on peut reculer sa mise en institution de 12 à 16 mois, à condition que l’aidant puisse avoir le bon accompagnement.
D’un point de vue éthique, on peut se demander également comment la société gère cette population par définition vulnérable. Peut-on continuer à laisser dans l’ombre 3,5 millions de personnes ?
Quels sont les freins aujourd’hui au développement de la proximologie ?
Il y a d’abord le frein de la coordination. Il y a aujourd’hui beaucoup d’initiatives qui existent localement. CLs assises ont été l’occasion de mettre en avant des initiatives souvent innovantes. Comme la maison des aidants, à Nantes ou, en matière d’outils, le génosociogramme, à Bordeaux. Nous souhaitons donc développer la transversalité et partager les savoirs. Si des initiatives fonctionnent bien dans certains endroits, il n’y a pas de raison que ça ne fonctionne pas ailleurs !
Un autre frein est celui du statut des aidants. Certains disent qu’il faut qu’ils aient des droits, voire une rémunération. D’autres, à l’inverse, pensent que le statut des aidants est un piège parfait pour ces familles parce que cela serait une façon de professionnaliser des personnes qui étaient jusque-là bénévoles et, d’une certaine façon, on risquerait de dénaturer un geste généreux. Sachant qu’aujourd’hui, un aidant sur cinq n’est pas un membre de la famille de la personne malade, ce qui pourrait compliquer encore plus les choses…
Idem pour les formations : il y a une volonté chez certains de ne pas vouloir former les familles, car derrière, on pourrait y voir, selon eux, la volonté de les instrumentaliser. Quoi qu’il en soit, on sait qu’il existe un risque important de burn out au sein de ces familles. Ce risque est divisé par deux lorsque les familles sont formées. Il est divisé par cinq lorsqu’on trouve une solution pour que l’aidant puisse être aidé et soutenu, ce qui est loin d’être négligeable…
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