« Il ne s’agit pas de s’inscrire en opposition du colloque d’aujourd’hui », se défend tout de suite Jean Kister, secrétaire général du Syndicat national des travailleurs de la recherche scientifique (SNTRS) et responsable de la section INSERM. À la veille du colloque des 50 ans de l’INSERM organisé ce jeudi à la Sorbonne, cet ingénieur de recherche, ainsi que les représentants de deux autres organisations syndicales, le SGEN-CFDT et le SNCS ont souhaité également faire un colloque dédié aux personnels de l’INSERM.
Plusieurs intervenants se sont succédé au micro dans l’amphithéâtre Pasquier de l’Institut des Cordeliers, à Paris, pour évoquer pèle mêle la dégradation des conditions de travail des ITA (métiers accompagnant la recherche), l’accompagnement social des personnels ou encore le « parcours du combattant après la thèse ».
Selon les chiffres du bilan social de l’INSERM, il faut en effet en moyenne patienter huit ans après la fin de sa thèse avant d’obtenir un précieux poste de chargé de recherche, une attente qui explique l’augmentation du nombre d’emplois précaires au sein des laboratoires.
Plus de 3 000 précaires
En 2013, il y avait presque 90 000 chercheurs et ITA précaires dans les différents établissements publics à caractère scientifique et technologique français, dont plus de 3 000 à l’INSERM, soit 40 % de l’effectif total, ce qui représente une multiplication par quatre du nombre de contractuels depuis 2002. Du fait de la baisse du nombre de postes de chargés de recherche disponible, et surtout de l’explosion du nombre de candidats, il y a désormais en moyenne 25 aspirants pour chaque poste ouvert au concours.
La charte pour le recrutement et le suivi des personnels contractuels mise en place en 2013 attire également les foudres des syndicats. Cette charte empêche les équipes de garder un chercheur contractuel plus de cinq années de suite. Dans la pratique, cette charte devait fixer un cadre et des principes de référence visant à mieux responsabiliser les managers dans la gestion du parcours du personnel.
« Dans la pratique cela a surtout servi à éviter qu’un contractuel reste six ans dans une même unité et soit automatiquement titularisé », explique Jean Kister, qui rappelle que seules 37 titularisations de CDD ont eu lieu entre 2012 et 2013, dont une dizaine a nécessité l’intervention des conseils des prud’hommes.
Un budget en trompe l’œil
Entre le budget voté par le conseil d’administration de l’INSERM en décembre 2013 et le budget effectif pour 2014, les réserves obligatoires sont passées de 7 % à 5 %. Au total, 75 chargés de recherche et 100 ITA seront recrutés par l’INSERM en 2014, contre respectivement 81 et 136 en 2013. « La situation est moins dramatique que celle du CNRS, concède Jean Kister, mais le nombre de chercheurs titulaires diminue depuis 2009. » Le nombre d’ITA restant, pour sa part, constant.
Entre 2011 et 2013, le budget total de l’INSERM a augmenté de près de 100 millions d’euros, pour atteindre 867,57 millions. Pour les syndicats réunis lors du colloque, il s’agit d’une augmentation en trompe l’œil : du fait de l’intégration de l’Agence nationale de recherche sur le sida (ANRS), ce budget aurait en fait diminué à périmètre constant. Les syndicats pointent au contraire une baisse de 5 % en moyenne des budgets de fonctionnement des laboratoires accordés chaque année par l’INSERM. Les autres sources de financement étant, selon eux, bien mal réparties. « Ce que l’on observe, poursuit Jean Kister, c’est que ce sont toujours les mêmes laboratoires qui cumulent les aides de l’Europe, de l’Agence nationale de la recherche et des fondations. »
Venue pour sa part faire une présentation sur l’état de l’emploi dans les organismes de recherche, Renée Ventura, élue au conseil scientifique du CNRS, a estimé que « l’INSERM ne fait que remplacer les départs en retraite, ce qui ne prend pas en compte les démissions, les décès et les changements de corps qui ne sont pas remplacés. Il y a moins de départs en retraite prévus l’année prochaine, il y aura donc également moins de postes ouverts. »
Des salaires en baisse régulière depuis 30 ans
« Notre grande peur, c’est le plan de redressement que doit présenter le gouvernement français à Bruxelles le 15 avril, et l’éventuel plan de rigueur qui s’annonce », reconnaît Daniel Steinmetz, secrétaire général de la SNTRS, qui craint de futures « années blanches » en termes de recrutement.
La question des salaires a également été évoquée au cours de cette journée. Selon Jean-Luc Carrier du Sgen-CFDT, depuis la fin de l’échelle mobile des salaires en 1984, « le salaire d’un chargé de recherche est passé de 80 % au-dessus du SMIC à 40 %. Le point d’indice s’est effondré de 30 %. Tout cela a un gros impact sur l’attractivité des métiers de la recherche ».
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