Une étude franco-écossaise IRSET/Université de Rennes/INSERM/EHESP met en évidence pour la première fois l'effet délétère de l'ibuprofène sur le développement de l'ovaire fœtal humain lors d'une exposition au 1er trimestre de grossesse.
Ces nouveaux résultats publiés dans « Human Reproduction » renforcent les recommandations actuelles sur l'ibuprofène pendant la grossesse. Formellement contre-indiquée au 3e trimestre après 24 semaines en raison des risques cardiaques et pulmonaires (1 dose suffit), la prescription d'ibuprofène doit être évitée le plus possible aux 1er et 2e trimestres de grossesse.
Dès le 2e jour d'exposition
Si l'effet perturbateur endocrinien de l'ibuprofène a déjà été étudié chez le fœtus garçon et chez l'adulte, c'est la première fois que des chercheurs travaillent sur l'ovaire. « C'est beaucoup plus compliqué d'étudier l'ovaire que le testicule, explique Séverine Mazaud-Guittot, de l'IRSET-INSERMU1085 et auteur principal de l'étude. Dès le 1er trimestre, le testicule est un organe communicant par voie endocrine. La répercussion est très claire. Chez la fille, il s'agit d'une toxicité d'organe, non d'un effet endocrinien. »
L'équipe coordonnée par Séverine Mazaud-Guittot montre, sur des cultures de tissu ovarien fœtal humain (185 produits d'IVG), que l'exposition à l'ibuprofène à des concentrations usuelles in utero a un impact très marqué au bout de 7 jours, et dès le 2e jour, sur les ovogonies : à la fois en diminuant leur multiplication et en précipitant la mort par apoptose.
Variabilité individuelle
« Le nombre d'ovogonies était divisé par deux en moyenne, explique Séverine Mazaud-Guittot. Pour certains individus, c'était de la dentelle ovarienne, on n'a même pas pu compter les cellules. Il existe une importante variabilité individuelle ». Après 2 jours d'exposition puis 5 jours sans, si l'organe recouvre le nombre de cellules germinales, la mort cellulaire reste élevée.
Ces résultats inquiétants font craindre des conséquences sur la vie reproductive des futures jeunes femmes, ménopause précoce ou infertilité, alors que les petites filles constituent leur stock d'ovocytes pour la vie avant de naître.
Pour l'instant, il est difficile de prévoir dans quelle mesure la qualité de la fonction reproductive sera altérée à terme. Le contexte expérimental sur des prélèvements tissulaires « pourrait ne pas résumer complètement la complexité de l'exposition in vivo et du développement d'organe », écrivent les auteurs. « Notamment, le placenta a un rôle de métabolisation », précise Séverine Mazaud-Guittot.
Des études épidémiologiques à terme sont nécessaires mais leur mise en œuvre est loin d'être simple. « Les critères de suivi posent des problèmes techniques et éthiques, poursuit la chercheuse de Rennes. La question des modalités reste ouverte ».
Pour les auteurs, ces résultats confortent les recommandations actuelles et doivent renforcer les efforts d'éducation des femmes. « L'objectif n'est pas de semer la psychose en cas d'une ou 2 prises isolées au début d'une grossesse encore méconnue, explique Séverine Mazaud-Guittot. Mais il faut faire jouer le principe de précaution et éviter au maximum les prescriptions sur plusieurs jours avant 24 semaines de grossesse. Le paracétamol est une alternative moins risquée mais il ne faut pas avoir le recours facile aux médicaments et sans contrôle médical. C'est un problème de société ».
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