Aucun bénéfice à la quadrithérapie empirique

L'isoniazide seul en prévention du BK tient sa place dans le VIH avancé

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Publié le 21/03/2016
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Crédit photo : AFP

Ne vaut-il pas mieux « taper fort » pour prévenir la tuberculose lors de la mise en route de la trithérapie anti-VIH chez les séropositifs les plus vulnérables à un stade avancé de l'infection ? Cette position, qui va à l'encontre de l'isoniazide seul recommandé par l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), vient d'être invalidée par une étude américaine publiée dans « The Lancet ».

L'étude REMEMBER (Reducing Early Mortality and Early Morbidity by Empiric Tuberculosis Treatment) montre dans 10 pays à forte endémie chez 850 individus séropositifs pour le VIH à un stade avancé (CD4 < 50/mm3) que l'isoniazide seul en prévention pendant 6 mois fait aussi bien qu'une quadrithérapie standard, voire mieux pour la tolérance et, le tout, sans entraîner de résistance.

 

Éviter le passage de tuberculose latente à active

 

L'OMS recommande depuis 1998 chez les patients VIH « d'introduire le traitement préventif à l'isoniazide afin d'éviter que l'infection latente par le bacille de la tuberculose ne se transforme en une tuberculose active ». L'infection VIH est connue pour augmenter ce risque. À l'instauration de la trithérapie anti-VIH, les sujets co-infectés par la tuberculose sont à risque de développer un syndrome de restauration immune (IRIS ou IRD).

.Ces recommandations restaient peu ou mal suivies, à la fois pour les patients à un stade peu avancé, souvent non traités de crainte de développer des résistances, et pour ceux à un stade avancé, pour la même raison et certaines équipes préférant instituer une quadrithérapie standard antituberculeuse.

 

La crainte de résistances émergentes

 

Comme l'explique Amita Gupta, de la Johns Hopkins et auteur senior de l'étude, « certains craignaient que l'utilisation d'un seul médicament traiterait de façon inadéquate une tuberculose non diagnostiquée infraclinique et entraînerait rapidement davantage de résistances, potentiellement mortelles ». 

En complément de la récente étude française Temprano, l'étude REMEMBER devrait redonner du souffle à l'isoniazide seul en prévention. En février 2015, l'étude Temprano INSERM/ANRS avait montré les bénéfices d'un traitement préventif anti-tuberculeux par isoniazide chez des sujets infectés par le VIH avec un taux de CD4 élevés > 500/mm3. 

Dans l'étude menée entre octobre 2011 et juin 2014, 400 femmes et 450 hommes âgés de plus de 13 ans et en médiane de 36 ans, ont été inclus dans 10 pays en développement, Malawi, Afrique du Sud, Haïti, Kenya, Zambie, Inde, Brésil, Zimbabwe, Pérou et Ouganda. Tous les participants ayant une tuberculose confirmée ou probable avaient été exclus.

 

Pas mieux avec la quadrithérapie

 

Le groupe quadrithérapie a reçu le traitement standard de la tuberculose, cette association ajustée au poids de rifampicine, d'isoniazide, d'éthambutol et de pyrazinamide pendant 8 semaines puis par l'association de rifampicine et de rifampicine et d'isoniazide pendant 16 semaines, avec un début dans les 7  premières semaines de la trithérapie initiale. Le groupe isoniazide a reçu 300 mg d'isoniazide par jour pendant 24 semaines.

« Nous pensions au début de l'essai que l'utilisation d'un traitement complet à 4 médicaments permettrait de prévenir davantage de décès, reconnaît le Pr Gupta. Nous n'avons trouvé aucune différence, sans équivoque », puisque la différence en risque absolu était de 0,06% entre les deux groupes.

Près d'un patient sur 20 est décédé dans les 24 semaines suivant le traitement préventif. Vingt-deux individus sont morts ou ont été perdus de vue dans chacun des deux groupes à la semaine 24. Dans le groupe quadrithérapie empirique,

 

Une mortalité très faible

 

« Nos résultats suggèrent que la stratégie à 4 médicaments fait plus de mal que le traitement isoniazide seul parce que les patients le tolèrent moins bien et l'arrêtent », explique le Pr Gupta. De plus, ce traitement simple est plus abordable, ce qui lève un frein à l'accès au traitement dans les pays les plus pauvres.

Si la trithérapie anti-VIH réduit en elle-même le risque de tuberculose pour la plupart des patients, près d'un sujet sur cinq décède dans les 6 mois suivant le début de la trithérapie, et les autopsies révèlent souvent une tuberculose non diagnostiquée. Les BK crachats, les plus utilisés, manquent de sensibilité chez les patients séropositifs et les autres tests peuvent prendre jusqu'à 8 semaines pour les résultats. Si un dépistage systématique reste indispensable, « le traitement préventif de routine a du sens », ajoute la spécialiste américaine. L'étude REMEMBER se poursuit avec des résultats à 48 et 96 semaines. 

 

 

Dr Irène Drogou

Source : Le Quotidien du médecin: 9481