Face à la marche enthousiasmante vers la science ouverte, l'Académie des sciences s'est emparée de la question. La mise à disposition gratuite des travaux de recherche ne se fait pourtant pas sans difficultés et l'Académie met et garde contre les risques de voir les coûts de publication s'envoler pour les scientifiques. Des alternatives existent et il faut s'en saisir, plaide-t-elle dans un rapport.
Le timing ne doit rien au hasard, puisqu'il coïncide avec le déploiement du deuxième plan national pour la science ouverte et à l'organisation de la conférence européenne pour la science ouverte (Open Science European Conference) dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne.
S'ils saluent la publication systématique des données, des articles scientifiques au contenu des cahiers de laboratoire, les académiciens s'inquiètent de possibles dérives. En particulier ils craignent la tentation des éditeurs d'« augmenter leurs profits et, par là même, (d'augmenter les coûts de la diffusion scientifique, portant ainsi atteinte à l'éthique de la science et au bon fonctionnement de la recherche ». À ce titre, l'Académie des sciences rappelle certains chiffres : plus de la moitié des publications de 2019 appartenaient aux quatre plus grosses maisons d'édition, avec des marges bénéficiaires proches de 40 % et des abonnements toujours plus chers alors même que les coûts de l'édition ont fondu.
Quelle situation 10 ans après la déclaration de San Francisco ?
En 2012, des chercheurs et des spécialistes de l’information scientifique ont convenu d'une charte de bonnes pratiques de l’évaluation scientifique forte de 18 recommandations rassemblées sous l'acronyme Dora2 (San Francisco Declaration On Research Assessment), mais mieux connue sous le nom de déclaration de San Francisco.
Dix ans après, les académiciens dressent un état des lieux contrasté : 56 % des publications publiées en 2019 dans le monde étaient ouvertes en 2020. La France accuse un certain retard, avec 41,8 % de publications ouvertes, à comparer aux 52 % en Suisse et au Royaume-Uni. « Ce retard peut s'expliquer par deux obstacles principaux : d'une part, les coûts exigés par certains éditeurs pour ouvrir une publication, et d'autre part, la préférence encore manifestée par de nombreux chercheurs pour publier dans des revues fermées considérées comme très prestigieuses », analysent les académiciens.
Pour accompagner l'ouverture des données scientifiques sans se retrouver à la merci des éditeurs de revues prestigieuses, « les habitudes de la communauté des évaluateurs, largement imbriquée dans celle des chercheurs, doivent évoluer, insiste l'Académie. L'utilisation de métriques donne souvent un poids excessif et injustifié à des revues prestigieuses en accès fermé ou en accès ouvert très coûteux. Or, c'est une évaluation centrée sur la qualité ou l'originalité des articles qui permettra d'encourager l'ouverture et, par là même, de réduire les budgets souvent engagés de manière injustifiée dans la publication scientifique ».
Plaidoyer pour la « biblio-diversité »
Pour cela, ils préconisent de favoriser la « biblio-diversité » et rappellent l'existence de « modèles vertueux ». Par exemple : le modèle diamant, adopté notamment par les comptes rendus de l'Académie des sciences, ne comporte pas de surcoût pour les auteurs mais repose sur des fonds institutionnels. Le modèle dit freemium ou platine - adopté notamment par les revues OpenEdition en sciences humaines et sociales - propose la gratuité pour les lecteurs et l'absence de surcoût pour les auteurs, mais facture des services supplémentaires comme le téléchargement d'un PDF interactif.
Ils préconisent aussi la généralisation du plafonnement à 1 500 euros du prix par article pour la publication en open access (Article Publishing Charges ou APC), et des actions pour que les formules d'abonnement imposées par les éditeurs (Big Deals) ne soient pas remplacées par des formules d'APC contraignantes. Les académiciens insistent aussi sur le fait que les auteurs ne doivent pas céder leurs droits avec la mise en ligne ouverte de leurs travaux.
Ils soutiennent aussi les initiatives telles que le PCI (Peer Community In), qui repose sur la relecture communautaire par les pairs, ou le Subscribe to Open (S2O), qui consiste à ouvrir sans embargo l'ensemble du contenu d'une revue sous abonnement et à le maintenir ouvert pendant l'année en cours, non seulement aux abonnés (des auteurs le plus souvent) mais aussi aux non-abonnés, à condition que les premiers s'engagent à conserver leur abonnement pour assurer l'équilibre économique.
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