La démence fronto-temporale (DFT) est une maladie neurodégénérative de l'adulte apparaissant souvent entre 40 et 60 ans (mais pouvant survenir plus tôt ou plus tard) qui se manifeste par des changements du comportement, des troubles du langage ou des symptômes moteurs.
Des mutations hétérozygotes du gène GRN, entraînant un déficit partiel en progranuline (PGRN), sont responsables d'une forme héréditaire de DFT (5 à 10 % des DFT ; 15 à 25 % des DFT familiales) mais on ignore par quel mécanisme survient la neurodégénérescence.
Des similitudes cliniques
Des mutations homozygotes du même gène GRN liées à une perte totale de progranuline sont impliquées dans la céroïde-lipofuscinose neuronale (CLN), un groupe de maladies neurodégénératives de l'enfant caractérisées par une perte visuelle précoce, une dégénérescence rétinienne et des troubles neurologiques tels qu'une épilepsie et des troubles intellectuels. La CLN est une maladie lysosomale avec accumulation intraneuronale dans le cerveau et la rétine d'un lipo-pigment autofluorescent, la lipofuscine céroïde.
Une équipe internationale vient d'identifier des similitudes cliniques et pathologiques entre la DFT-progranuline et la CLN. « Nous avons découvert qu'une forme héréditaire importante de la démence fronto-temporale, apparaissant a l'âge moyen ou tardivement, est associée à des manifestations de la céroïde-lipofuscinose neuronale », explique au « Quotidien » le Dr Ari Green, neuro-ophtalmologue à l'université californienne de San Francisco (UCSF) qui a codirigé avec le Dr Li Gan (Instituts Gladstone, San Francisco) l'étude publiée dans la revue « Science Translational Medicine ». « Nous l'avons découvert en examinant la rétine à la fois dans un modèle animal de la DFT-progranuline et chez des patients ayant un déficit en progranuline. Nous avons observé la présence d'une accumulation de la lipofuscine dans la DFT, également présente dans la CLN, et ceci nous a amenés à trouver de nombreuses autres manifestations communes entre la CLN et la DFT-progranuline », poursuit-il.
Imagerie en autofluorescence
L'équipe a examiné la rétine de 11 sujets asymptomatiques porteurs de mutation GRN hétérozygote, au moyen de l'imagerie en autofluorescence, un examen non invasif. Ils ont constaté des dépôts rétiniens importants de lipofuscine, présents avant la perte neuronale, en comparaison de 22 témoins appariés (âge et sexe). Ils ont aussi trouvé ces dépôts dans le cortex frontal de sujets hétérozygotes GRN décédés.
Par ailleurs, un examen par microscopie électronique des lymphoblastes de sujets hétérozygotes GRN révèle une accumulation lysosomale de matériel similaire à celle observée dans la CLN. Une observation est porteuse d'espoir thérapeutique : l'augmentation in vitro de l'expression de la progranuline dans ces lymphoblastes (par transduction rétrovirale) réduit l'accumulation lysosomale. Enfin, les chercheurs montrent une dysfonction de la protéase lysosomale dans les fibroblates des hétérozygotes GRN.
« Cette découverte est importante pour deux raisons : elle met en cause une dysfonction lysosomale dans la DFT, une dysfonction bien connue pour être le problème dans la CLN ; et elle nous fournit un biomarqueur ou plusieurs marqueurs potentiels pour évaluer la réponse aux traitements aux stades à la fois préclinique et clinique, précise le Dr Green. L'une des principales raisons pour lesquelles nous manquons de traitements efficaces pour les maladies neurodégénératives est l'absence de biomarqueurs significatifs permettant de surveiller la maladie à son tout début ». Les résultats de ces travaux ouvrent donc la voie à un nouveau biomarqueur rétinien « et peut-être à d'autres biomarqueurs tissulaires qui pourraient aider à détecter la pathologie chez les patients atteints de DFT-progranuline », suggère la chercheuse avant de conclure : « L'imagerie rétinienne en autofluorescence est déjà utilisée en routine pour étudier et surveiller certaines formes de dégénérescence maculaire liée à l'âge. Nous sommes impatients de poursuivre l'étude de la pathologie rétinienne dans cette maladie et d'autres et d'examiner si l'on peut utiliser l'imagerie rétinienne pour évaluer la réponse à de potentiels traitements pour la DFT. »
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