Un rapport récent de la Cour des comptes (1) indique que les prescriptions des médecins hospitaliers ont bondi de 32 % depuis 2007, « cinq fois plus vite que celles des médecins libéraux ». La Cour réclame une attention particulière sur les dépenses d’imagerie et de biologie et préconise une « minoration tarifaire » en cas de non-respect des objectifs contractuels.
Les dépenses des services de réanimation représentent environ 20 % des coûts hospitaliers dont 62 % de frais de personnel (2) et plus de 15 % liés aux examens complémentaires. Une rationalisation des prescriptions d’examens biologiques et radiologiques pourrait permettre des économies significatives ainsi qu'une réduction de la spoliation sanguine et des risques liés à l’irradiation et au transport des patients.
Plusieurs études vont dans ce sens. Ainsi, Kumwilaisak et al. (3) ont montré qu’après l’édition de recommandations en réanimation chirurgicale assortie d’informations répétées auprès des médecins et infirmiers, le nombre d’examens sanguins est passé de 115 à 73 par patient (- 37 %), alors que la durée de séjour médiane est restée de 2 jours. Ces résultats se maintenaient 12 mois plus tard. Ceci sans modification du devenir des patients. À Brest, Prat et al. (4) ont institué une politique de prescription encadrée aboutissant à une réduction des examens biologiques de 50 % et des radiographies thoraciques au lit de 40,8 %. Lehot et al. (5), ont rapporté qu’en réanimation cardiochirurgicale à Lyon, une méthodologie similaire, mais tenant compte de l’avis des biologistes et des radiologues et plus progressive, permettait de diminuer de 30 % les dépenses de biologie en 3 ans sans altérer les résultats cliniques, avec une économie de 20 732 € par an et par lit. San Miguel et al. (6), en demandant la justification explicite des examens ont diminué le nombre d’examens biologiques de 60 % sans effet indésirable grave.
D’autres auteurs (7,8) ont insisté sur l’intérêt de limiter les prélèvements sanguins pour préserver le capital érythrocytaire des patients.
Concernant les radiographies thoraciques au lit, une méta-analyse de 9 études (dont seulement 3 randomisées) ne montre pas d’effet délétère d’une politique restrictive (9).
Malgré ces données, le volume d’examens complémentaires reste considérable. Leur prescription résulte d’un processus complexe et mal connu, faisant intervenir la formation des médecins, le type de pathologies rencontrées et les habitudes locales. La croyance que les patients critiques nécessitent davantage d’examens complémentaires, la facilité de prélèvements liée à la présence d’un cathéter central et artériel ainsi que la crainte de se voir reprocher une prise en charge sous optimale n’incitent pas à changer les pratiques.
Communiquer pour faire changer
Passer de la surprescription à la juste prescription nécessite une volonté de service et une pédagogie active : faire connaître les coûts, apprendre à justifier ses prescriptions et privilégier les examens les plus efficients dans le contexte clinique. Ces réductions ne doivent pas mettre en jeu la qualité des soins et un contrôle des complications est généralement préconisé par les auteurs.
Les enjeux des recommandations formalisées d'experts (RFE), qui visent à proposer aux praticiens un cadre raisonné et raisonnable de prescriptions, sont donc fondamentaux.
(*) Hospices Civils de Lyon et Université Lyon 1
(**) Hôpital d’Instruction des Armées Percy, Clamart
(***) Hôpital Saint-Louis, Paris
(1) Le Quotidien du Médecin, 22 septembre 2016
(2) Moerer O et al. Crit Care Med 2007;11(3): R69
(3) Kumwilaisak K et al. Crit Care Med 2008;36(11):2993-9
(4) Prat G et al. Intensive Care Med 2009; 35(6):1047-53
(5) Lehot JJ et al. Ann Fr Anesth Reanim 2010;29(10):682-6
(6) San Miguel A et al. Congrès SRLF janvier 2012
(7) Alazia M et al. Ann Fr Anesth Réanim 1996;15(7):1004-7
(8) Vincent JL et al. J Am Med Assoc 2002;288(12):1499-1507
(9) Ganapathy A et al. Crit Care 2012 Dec 12;16(2):R68
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