Courrier des lecteurs

Accessibilité : lettre à ma Préfète

Publié le 29/06/2015
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Madame la Préfète,

Suite au courrier de Monsieur X, chef du service aménagement durable des territoires, je suis allé sur le site internet, afin de déposer un dossier permettant de « déroger à la date du 1er janvier 2015 et de s’inscrire dans une démarche de mise en accessibilité sur une période qui ne peut excéder 3 ans ».

J’ai imprimé les 8 pages de diagnostic d’accessibilité et lu la conclusion : « Vos réponses semblent indiquer que votre établissement ne répond à aucun critère de la réglementation en matière d’accessibilité. Avec le nouveau dispositif d’Agenda d’accessibilité programmée, il vous appartient de vous organiser pour mettre votre établissement aux normes. Lisez attentivement notre diagnostic et faites vite : ne pas respecter la loi vous expose à de lourdes pénalités. » (Sic)

J’ai imprimé les 8 pages de « Demande d’autorisation de construire, d’aménager ou de modifier un établissement recevant du public (ERP). Cette demande vaut également demande d’approbation d’un Agenda d’accessibilité programmée (Ad’ap) pour un seul ERP sur une, deux ou trois années : Oui Non ». (Sic)

Je vous affirme que ma mise en accessibilité est absolument inenvisageable tant sur le plan intérieur qui m’appartient et le plan extérieur qui est communal dès que l’on ouvre la porte de mon cabinet pour sortir.

De même, je vous confirme que je n’entreprendrai aucune démarche financière et temporelle pour remplir les 8 pages de l’ERP.

Je vous invite, si vous le désirez, à envoyer un de vos responsables venir constater sur place l’état des lieux.

Je vous demande, dès ce jour, une dérogation d’exercice professionnel pour éviter une éventuelle sanction et je vous confirme à nouveau que toute contravention me sanctionnant déclenchera le dévissage de ma plaque « sine die ».

J’élargis le sujet. Cette dérogation sera bien sûr un pis-aller provisoire pour l’accès aux soins des malades.

Nos élus français ont l’art de faire des lois inapplicables. Le bon sens aurait été de laisser les locaux existants en état et d’imposer cette loi aux nouvelles constructions. Le problème est le même pour les commerces. Il est symptomatique qu’un État impose à des particuliers ce que lui-même sera incapable d’appliquer (mairies, écoles etc., dont des travaux seront aussi strictement impossibles à réaliser si ce n’est de reconstruire ailleurs).

J’élargis encore le sujet. Des jeunes médecins, voulant s’installer, ne peuvent le faire car les locaux professionnels de cabinets de groupe (plus intéressants pour les jeunes) ne sont plus aux normes (comme le mien). Ceux-ci ne peuvent intégrer des structures existantes avec des confrères plus âgés parce qu’aucun n’a les moyens financiers pour faire une nouvelle structure en conformité avec la loi. De plus, certaines communes mettent en place des maisons médicales, à perte, car personne ne se bouscule. Vous pouvez vous attendre dans les années à venir à un drame sanitaire et social. Comme l’avait dit le Général de Gaule : « Les Français sont des veaux. » Ceux-ci ne se sont pas alarmés, depuis plus de 30 ans, dans les grandes villes, devant le fait que leur système de soins public fonctionnait grâce à des médecins étrangers (Maghreb, Moyen-Orient, par exemple), exploités sur notre territoire et ayant des salaires de misère (en regardant le prix horaire) par rapport à leur tâche et responsabilité. Les Français n’ont toujours pas compris quand « à 84 %, ils pensent que pour combler le trou de la Sécu, il faut diminuer les tarifs médicaux » (« le Quotidien du Médecin », mi-avril 2015). Des médecins, en particulier roumains, paupérisés et exploités dans leur pays, sont venus « faire fortune » et « faire de l’humanitaire » en France. Les Français savent-ils que la catastrophe arrive quand « sur 16 625 généralistes attendus sortant de la faculté, seuls 5 503 seront libéraux » (« le Quotidien » du 2 avril). Le désert médical ne va pas être uniquement rural mais citadin. Les Français savent-ils que, avec la nouvelle loi de santé applicable en 2017, ils seront soignés quasi exclusivement avec « la richesse » de leur compte bancaire, comme en témoignent les campagnes publicitaires actuelles pour les mutuelles dans les médias (y compris la Chaîne Parlementaire, LCP-Public Sénat !).

Vous êtes le relais de nos gouvernants. J’élargis le sujet en vous disant de vous préparer à tendre le dos : la France vit depuis trop d’années grâce au travail des artisans, commerçants, agriculteurs, PME, professions libérales qui n’en peuvent plus et qui peuvent, à tout moment, faire « bouger » la démocratie.

En vous remerciant de m’avoir lu, je vous prie d’accepter, Madame la Préfète, mes salutations les plus respectueuses et attristées.

Dr Philippe Herbert

Source : Le Quotidien du Médecin: 9424