LE PROJET de réforme de la justice des mineurs s’inscrit dans le respect de l’ordonnance de 1945, a assuré le ministre de la Justice Michel Mercier. « On garde le principe de base qui repose sur des mesures éducatives pouvant être liées à des sanctions », a-t-il précisé, en indiquant que « l’utilité de ces changements » est « d’adapter la justice des mineurs au monde d’aujourd’hui ».
L’ordonnance du 2 février 1945 sur « l’enfance délinquante », modifiée à moult reprises, affirme la primauté de l’éducation sur la répression et pose le principe d’une justice spécialisée pour les mineurs, selon leur âge (moins de 13 ans, 13-16 ans, 16-18 ans). Elle stipule que les mineurs « ne seront justiciables que des tribunaux pour enfants ». Autant de principes remis en cause par la réforme, estiment les professionnels de la justice des enfants. Dans une tribune collective publiée par « Libération », intitulée « C’est la justice des mineurs qu’on assassine », une trentaine d’entre eux dénonce le projet du gouvernement, qui « s’obstine à vouloir aligner le régime pénal des mineurs sur celui des majeurs ». « L’objectif avoué de la réforme est de renforcer la répression de la délinquance des mineurs en entretenant l’illusion que la crainte d’une sanction plus forte suffirait, de façon magique, à dissuader des adolescents déstructurés d’un passage à l’acte », déplorent les signataires.
Les professionnels critiquent en particulier la création prévue d’un tribunal correctionnel pour mineurs récidivistes de plus de 16 ans (ce qui abaisserait de facto la majorité pénale) ou la possibilité de placement en Centre éducatif fermé (CEF) dès la première infraction des mineurs de 13 ans. « La véritable urgence est celle de la mise en œuvre de solutions éducatives afin de prévenir la répétition d’actes délinquants », affirme le texte. Ses signataires déplorent la « mise à l’écart » du juge des enfants chargé, avant une éventuelle comparution, de travailler avec les jeunes mis en cause sur leur personnalité et leur situation. « La justice des mineurs doit rester une justice de la continuité, menée par des professionnels-repères (...) pour le mineur et prenant en compte son évolution et non une réponse ponctuelle au passage à l’acte. Les tribunaux pour enfants doivent disposer des moyens et des structures pour pouvoir apporter une réponse rapide et individualisée », écrivent-ils. Selon eux, « la multiplication des incidents ces dernières semaines dans les établissements pénitentiaires pour mineurs et l’augmentation de l’incarcération des mineurs démontrent l’impasse à laquelle conduit un traitement purement répressif de la délinquance juvénile ». Parmi les 28 premiers signataires figurent l’ancienne défenseur des enfants Claire Brisset, son successeur à ce poste Dominique Versini, l’ancien ministre socialiste Pierre Joxe, devenu avocat spécialisé dans le droit des enfants.
Une butée aux actes.
« On est en train de préparer quelque chose qui ressemble à de la barbarie », a réagi la pédiatre Catherine Dolto, qui qualifie cette réforme de « régression fantastique ». Toutefois, pour le pédopsychiatre Maurice Berger (CHU de Saint-Étienne), la loi est devenue aujourd’hui périmée. Au regard de son expérience de clinicien, il se montre même favorable, dit-il au « Quotidien », à un abaissement de l’âge de la responsabilité légale en cas d’agression sexuelle à 11 ans, « tant pour les sujets agresseurs que pour les victimes ». Car la réalité est que « le nombre d’agresseurs sexuels âgés de 11 à 13 ans augmente de manière significative. Ce constat a été également fait par le directeur de la Protection judiciaire de la jeunesse, Pierre Cabourdin, alors qu’il participait à un colloque du Conseil national des barreaux en 2009. Or ces jeunes ne pâtissent d’aucune sanction, ni pénale ni civile, avec le système d’assurance scolaire. Ce que l’on constate, au point de vue clinique, c’est que les sujets violents n’arrivent à penser que lorsqu’on arrête leurs actes. S’il n’y a pas de butée à leurs actes, on ne peut pas arriver à modifier leur fonctionnement psychique. »
En France, le drame est qu’on ne peut penser qu’en termes « éducatif » ou « répressif », regrette le pédopsychiatre. Or, poursuit-il, « une des caractéristiques de la souffrance psychique que présentent les jeunes dont il est question, est un défaut de contenance. Cette contenance nécessite deux choses : une butée au niveau des actes et un dispositif d’écoute. Il n’y a pas d’autre solution. Nous sommes devant des sujets qui dénient leurs actes ou pire, qui reconnaissent leurs actes sans en réaliser la gravité. Et ils pensent que leurs victimes ont la même faculté d’effacement. Je pense que la conséquence d’un tel acte doit être durable : c’est ce qui permet le travail psychique ». Pour Maurice Berger, le débat actuel porte en réalité sur des principesdits humanistes. « Mais il ne s’agit pas de cela, ces jeunes ont souvent en eux une violence d’adulte qui n’est pas comparable avec celle dont faisaient preuve les jeunesen1945 ».
En février, le chef de l’État avait souhaité de nouvelles mesures sur la justice des mineurs « avant l’été », alors que des travaux étaient engagés depuis de nombreux mois en vue de la rédaction d’un code pénal de la justice des mineurs.
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