« BUGARACH EST UN petit patelin tranquille de 200 habitants, comme le village d’Astérix, mais ils craignent d’être envahis par des visiteurs imprévisibles accourus de tous les continents », s’inquiète le Dr Bernard Bessière. Installé depuis 1962 dans le bourg voisin de St Paul-de-Fenouillet, ce généraliste a vu défiler bien des gourous, adeptes du new age et autres hippies, au pied du pic de Bugarach, surnommé « la montagne renversée » en raison de sa tectonique particulière, qui surplombe les gorges de Galamus, au cœur des Pyrénées cathares. « Cette fois, confie le praticien, les Bugarachois ont la trouille de voir débarquer des foules d’illuminés auxquelles vont s’ajouter des curieux et des journalistes très nombreux dans un environnement escarpé, avec des routes montagneuses étroites, des grottes nombreuses avec des réseaux de souterrains, et à un moment de l’année où la neige augmente les risques. »
Combien seront-ils, le 21 décembre, à faire le voyage pour tenter d’échapper à la fin du monde annoncée ? La Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) a avancé le chiffre de 10 000 personnes, en extrapolant à partir de la surfréquentation du site effectuée ces derniers mois dans un but de repérage. Président de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), le Dr Serge Blisko parle de 5 000 visiteurs. Circonspect, le préfet de l’Aude, Éric Freysselinard épluche les indications fournies par les Renseignements généraux, à partir des réservations d’hôtel et de chambres d’hôtes, de la surveillance Internet, des rapports des maires, ainsi que des observations de la cellule de veille sanitaire de Montpellier. « En l’absence d’un phénomène sectaire caractérisé, avec une structure de fidèles ou de sympathisants que l’on pourrait évaluer peu ou prou, les évaluations sont incertaines, déclare-t-il au "Quotidien". Le risque doit néanmoins être pris au sérieux, c’est pourquoi nous avons décidé de boucler préventivement tout le secteur du 21 décembre, à l’aide d’un dispositif de sécurité encadrée, une centaine de policiers et de pompiers qui contrôleront les accès au village, quitte à les interdire. Un poste de commandement opérationnel va être installé du 19 au 23 décembre. Les Rave-parties, habituelles en période de fête, seront interdites, de même que les apéros géants. »
Le Samu de l’Apocalypse.
« Une équipe SMUR, avec un médecin, un infirmier et un ambulancier sera présente sur le site, précise le Dr Hervé Mourou, chef de pôle du SAMU de Carcassonne, avec un PMA pompiers-Croix Rouge, ainsi qu’une cellule d’urgence médico-psychologique. La régulation SAMU sera renforcée avec un généraliste de PDS (permanence des soins) durant toute la nuit. Et évidemment, nous prévoyons de monter en puissance si c’est nécessaire, le SAMU 66 (Pyrénées Orientales) étant mis en alerte à cet effet. » Le Samu de l’Apocalypse va devoir faire face à l’inconnu, sinon à la fin du monde. « Nous restons devant un phénomène largement imprévisible, en l’absence de précédents, souligne l’urgentiste, à un moment de l’année qui est déjà sous tension et dans un environnement en soi compliqué. »
En attendant la fin du monde, le marché de l’apocalypse bat son plein, les cours de l’immobilier local s’envolent, les cartes postales de la montagne renversée s’arrachent, les cailloux de Bugarach sont commercialisés à 5 et 10 euros sur le net, les restaurants ne désemplissent pas, les chambres d’hôte sont prises d’assaut par une clientèle internationale. Sur fond d’inquiétude générale : « Les gens ici n’osent pas en parler franchement, confie le Dr Bessière, mais tout le monde pense au risque d’un suicide collectif ». Celui de l’Ordre du temple solaire, en décembre 1995, avait fait 16 morts dans une autre montagne, le Vercors.
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