À Nantes, comme dans toutes les grandes villes, des maraudes sont organisées pour venir en aide aux SDF. Celle mise en place par l’association « L’écoute de la rue » se veut particulièrement respectueuse des personnes. L’enjeu de l’accompagnement proposé est crucial : recouvrer des droits, notamment ceux de la CMU ; percevoir une allocation ; se soigner… Une étude publiée l’été dernier avait chiffré à presque 7 000 le nombre de personnes mortes de la rue sur trois ans.
Comme tous les jeudis après-midi, pendant que d’autres bénévoles de L’écoute de la rue accueillent vingt, parfois trente personnes « sans domicile fixe » dans le local de l’association autour d’une collation et d’ateliers divers, Joseph et Hubert partent en maraude dans les rues de Nantes.
Tous les deux composent l’un des dix binômes qui arpentent le centre-ville à la rencontre de ceux que l’on appelle communément des « SDF ». Une approche qui se veut avant tout « humaine », face à des parcours personnels ponctués de ruptures multiples.
Établir la confiance
Probablement faut-il toute l’expérience et la maturité de Joseph et de Hubert, le premier ancien professeur de mathématiques, le second ex-éducateur de rue puis contrôleur de la Sécurité sociale, pour amorcer un échange. Rue du Calvaire par exemple. À l’entrée des Galeries Lafayette, Clint prend appui contre le mur. Au premier coup d’œil, il est évident qu’il est complètement alcoolisé. Quand les deux maraudeurs s’approchent et lui lancent un « Salut ! » dynamique, le regard du jeune homme est plus qu’interrogatif. Presque méfiant. Immédiatement, Hubert lui tend sa main. Joseph fait de même. Clint leur serre. Mais, les premiers mots échangés montrent qu’il est sur la défensive.
Une conversation s’engage. Sans doute est-ce si incroyable que les passants se retournent sur le trio. Le jeune homme de 18 ans a à raconter beaucoup de choses. Pour l’ignorant, c’est l’histoire d’un chaos. Pour les deux bénévoles, en revanche, quasiment la litanie habituelle : « Ça fait cinq ans que je galère et que je suis à la rue ! J’ai plus de famille. Mon père a été tué. Ma mère… elle a disparu. » Originaire de Nantes, il dit dormir sous un pont. « Ça, c’est pas dormir à la rue ? », demande-t-il à Hubert. Il dit aussi avoir une petite fille de 3 mois. Elle serait à l’abri avec la mère. « J’ai pas de carte Vitale, j’ai même pas de carte d’identité… je veux rien devoir à l’État ! » Hubert : « C’est pas une histoire de devoir, ce sont tes droits… Moi, je peux t’aider à avoir des papiers, parce que, sinon, tu sais bien que tu peux être arrêté par la police… » Clint le sait très bien.
Pour l’heure, il refuse de prendre la carte de visite de l’association. Pourquoi ? « Il y a trop d’Arabes là-bas… » Joseph et Hubert ouvrent grand les yeux. Et insistent encore. Clint finit par faire la promesse : il viendra le lendemain matin, demandera juste une couette et repartira. « Il faut parfois du temps pour que les choses se mettent en place », observe Joseph.
Un peu plus bas, sur le cours des 50-Otages, installé en plein courant d’air, Roland a également eu besoin de temps pour pousser la porte du local. Certains, comme un jeune Letton, croisé près de l’autre grand magasin nantais, n’y viendront jamais. D’autres, au contraire, fréquentent plusieurs lieux d’accueil, passant de la Halte de nuit, à Brin de causette, ouvert à partir de 7 h, puis à L’écoute de la rue, ouvert toute la semaine, par demi-journée. « Notre objectif final est de les aider, souvent dans les démarches administratives qu’ils détestent », expliqueThérèse Masson, la présidente.
Médecin à la retraite et bénévole
Médecin à la retraite et bénévole à L’écoute de la rue, Michel Perrocheau accompagne régulièrement des « accueillis » (« on ne dit pas SDF ici ») vers des administrations. Notamment à la CPAM. « C’est souvent la première chose à faire : qu’ils bénéficient de leur droit à la CMU. De cela, va dépendre ensuite leur prise en charge médicale », explique le médecin. Se refusant à ouvrir une consultation au local de l’association, cet ancien généraliste et chef de service du centre de santé du Centre de transfusion sanguine de Nantes procède quand même à des examens dans une petite pièce. « D’autres bénévoles m’en envoient, quand il y a une plainte ou un problème manifeste. J’ai une petite pharmacie avec du paracétamol et de quoi faire des pansements. Mais, en fonction du problème, j’oriente. Soit vers un médecin traitant. Si la personne n’en a pas, on essaie de lui en trouver un. Soit vers la PASS [Permanence d’accès aux soins de santé]. Soit encore vers un service spécialisé du CHU. Surtout, je fais le maximum pour éviter de les envoyer aux urgences », poursuit-il. L’enjeu sanitaire est réel.
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