L’ex-ministre de la Santé persiste et signe dans un livre

Bachelot, les médecins et les « vaccinodromes » H1N1

Publié le 11/05/2015
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« Allez, sans rancune. » La dernière phrase du livre* de Roselyne Bachelot s’adresse aux médecins libéraux. Dans « La petite fille de la Ve », l’ancienne ministre de la Santé de Nicolas Sarkozy consacre un chapitre à ses trois ans de mandat (mai 2007 à novembre 2010) à Ségur. Elle revient en particulier sur la longue controverse autour de la vaccination contre la grippe H1N1 lors de la campagne 2009-2010, qui lui a valu l’inimitié sans réserve des libéraux.

Rage inapaisée

Roselyne Bachelot assume tout. Mais six ans plus tard, l’épisode H1N1 suscite toujours chez elle « une véritable rage inapaisée devant l’injustice incroyable du procès qui [lui] a été fait et qui perdure ».

Dans un argumentaire détaillé, l’ex-ministre répond à ses détracteurs et caricaturistes la représentant en « pauvre imbécile inconséquente, moitié Bécassine, moitié Marie-Chantal », pharmacienne à la solde de l’industrie pharmaceutique. Si c’était à refaire, le referait-elle ? « Sans hésiter, OUI », écrit-elle en capitales. Elle précise : « Le ministère de la Santé n’a jamais interdit aux médecins libéraux de vacciner ! ». L’ex-ministre reconnaît ne pas avoir été en mesure « d’armer » les cabinets libéraux de vaccins en nombre suffisant, avant de faire volte-face : « il eût été irresponsable de mélanger dans les salles d’attente […] les personnes malades et celles qui venaient se faire vacciner ».

Sur son évaluation de la gravité de la grippe, Roselyne Bachelot, habile, renvoie la balle à ses opposants. Aucune erreur n’était possible puisque l’analyse de la situation se fondait sur les recommandations de l’OMS, mais aussi de la communauté scientifique et médicale française ! Elle relativise : les 42 millions de vaccins permettaient de vacciner deux Français sur trois. Et précise : les 50 millions de doses en sus ont été « annulées et ni payées ni livrées ». « Nous ne nous sommes pas trompés. C’était notre devoir de prévoir le pire », juge-t-elle.

Jeu trouble des syndicats

Et puis, tacle la ministre, il y a eu pendant cette crise sanitaire « le jeu trouble » des syndicats médicaux. Alors qu’ils refusaient au départ « avec réalisme » que les praticiens libéraux vaccinent à tour de bras (faute de temps), « la course à l’échalote » autour des élections professionnelles de 2010 a vu les syndicats retourner leur veste et durcir le ton vers « un discours simple, voire simpliste ». Le nom de Roselyne Bachelot restera accolé aux « vaccinodromes » mettant à l’écart les médecins libéraux, symbole d’un échec à méditer pour longtemps.

« Palpitantes » et au rythme « turbo » du Président, ses années passées au ministère ont permis à cette locataire particulière de créer les agences régionales de santé (ARS), de réformer la gouvernance de l’hôpital et d’installer « les outils de rénovation de l’exercice libéral de la médecine ». « Ce n’est pas si mal » se félicite encore Roselyne Bachelot, même si sa loi HPST n’a pas forcément laissé le même souvenir aux médecins.

Et d’oser la comparaison avec ses successeurs, pour qui, susurre-t-elle, il semble bien difficile aujourd’hui de « mettre sur pied quelques mesures qui ne méritent aucunement le nom de réformes ». Une pierre, cette fois, dans le jardin de Marisol Touraine.

*« La petite fille de la Ve », Roselyne Bachelot, éditions Flammarion, 317 pages, 19,90 euros
Anne Bayle-Iniguez

Source : Le Quotidien du Médecin: 9411