Jacques-Louis Binet et l’Académie

Bilan et projets

Publié le 10/03/2011
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Crédit photo : S Toubon

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Crédit photo : S. TOUBON/LE QUOTIDIEN

LE BILAN est visible, concret et esthétique : le Pr Binet a littéralement refait l’Académie. Du moins, sa grande salle. L’hémicycle, grâce à ses efforts, a retrouvé son lustre et son élégance d’origine. Le temps du chantier, les académiciens se sont réunis à la Sorbonne, pour leurs séances du mardi, au risque, craignait le Recteur de Paris, de se faire décoiffer par les jeunes du mouvement étudiant. Mais tout s’est déroulé sans encombre. À cette réussite s’ajoute celle d’une politique d’ouverture pratiquée tous azimuts : « D’abord, raconte l’intéressé, je me suis attaqué à une vieille antinomie contre l’Académie des sciences. Là aussi, j’ai dû ferrailler, avec la complicité, amicale, de Nicole Le Douarin, fraternelle, de Jean-François Bach., tous deux successivement secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences. »

Ouverture ensuite pratiquée avec les académies de technologie, de chirurgie, de pharmacie, de l’art vétérinaire et même d’agriculture. Les liens se sont également resserrés avec les ministères de tutelle, Santé et Recherche, « sans que nous y perdions notre indépendance », souligne M. Binet.

À l’international, sous la férule de plusieurs présidents grands voyageurs (Charles Pilet, Géraud Lafargues…), des relations continues ont été instituées avec l’Algérie, la Tunisie, le Liban, le Brésil, le Maroc et surtout la Chine.

Cet important travail de rénovation se sera arrêté devant la question ultrasensible de la réforme des statuts : « Je ne peux oublier les années noires de 2008 et 2009 où tous les projets proposés par des bureaux successifs ont été rejetés », confie l’ancien perpétuel. Il ne cédera pas au découragement. Et il s’engage, aujourd’hui encore, pour « rendre obligatoire pour tous l’éméritat à 80 ans ». « Je donnerai moi l’exemple, annonce-t-il, comme, en son temps, le Pr Maurice Tubiana. C’est le moyen de rajeunir notre compagnie et de donner plus de pouvoir aux correspondants, qui sont encore en fonction à l’hôpital. Les avis de ces correspondants sont nécessaires pour attribuer les prix et bourses octroyés chaque année, à hauteur d’un million d’euros. »

Un autre projet occupe encore M. Binet, qui concerne la création d’une salle destinée aux académiciens provinciaux. « Aujourd’hui, regrette-t-il, ceux-ci ne représentent qu’un tiers de l’effectif et il faut rééquilibrer leur place, de la même manière que l’on voit progresser les facultés de province. » Le chantier de l’aménagement de l’hôtel de la rue Bonaparte, une fois de plus, ira de pair avec la modernisation de l’institution.

L’œuvre ultime.

L’association des genres est la marque de l’ancien perpétuel. Il a mené de front sa carrière hospitalo-universitaire d’hématologue, à La Pitié-Salpétrière tout en tenant, pendant vingt ans, une chaire d’enseignement à l’École du Louvre. Sa double passion pour la médecine et les beaux-arts fut à l’origine de la création des journées du livre de l’Académie. « Notre compagnie a ainsi retrouvé l’esprit de l’œuvre ultime, souligne Jacques-Louis Binet, avec les livres de Dominique Lecomte, la directrice de l’Institut médico-légal, "la Maison du mort", et de Guillaume de Fonclare, le directeur de l’Historial de la Grande Guerre, lauréat du Prix Jean Bernard pour "Dans ma peau". »

« Cette œuvre ultime dans la peinture, imprégnée des derniers instants de l’artiste, m’implique doublement, explique-t-il : comme médecin qui observe et analyse l’avancée de la maladie, et comme amateur d’art qui y découvre comment le peintre s’y libère et transfigure son œuvre. Vous connaissez ce musée imaginaire, où Le Titien, incapable de peindre, isolé dans son palais par la peste de Venise, trace avec ses doigts dans sa dernière Pieta, sa silhouette agenouillée devant la Vierge. Poussin, atteint de tremblements, ne pouvant plus promener son pinceau sur les visages et les mains pour créer ses dégradés, finit "le Déluge" par un nouveau traitement de la couleur, qui fait dire à Chateaubriand : " Souvent les hommes de génie ont annoncé leur fin par leurs derniers chefs-d’œuvre : c’est leur âme qui s’envole".Enfin, Picasso, qui dessine dans la même forme une tête de mort et son dernier autoportrait, avec un regard fixe angoissé, les traits bistres appuyés de lignes vertes. »

L’anthologie de ces œuvres ultimes disséquées par l’ancien perpétuel devrait faire l’objet d’un livre, à paraître sans doute dans le courant de l’année, avec une reprise du même sujet dans le cadre de la prochaine journée du livre, en septembre.

CHRISTIAN DELAHAYE

Source : Le Quotidien du Médecin: 8920