Cannabis thérapeutique : le gouvernement sommé par les parlementaires d'accélérer la mise en place de l'expérimentation

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Publié le 17/09/2020
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Crédit photo : PHANIE

À une semaine d’écart, la mission d'information commune de l'Assemblée nationale et du Sénat partage le bilan des associations de patients et des membres du comité scientifique quant à la mise en place laborieuse de l'expérimentation du cannabis thérapeutique en France : « Les ministères impliqués n'ont pas fait le nécessaire pour rassembler les conditions pour mettre en place l'expérimentation du cannabis médical en France », résume Jean-Baptiste Moreau, député LREM de la Creuse et rapporteur général de la mission.

Initialement, l'expérimentation devait débuter en septembre 2020, et concerner 3 000 patients pendant 2 ans. Repoussée en janvier 2021, un nouveau report est désormais probable si un décret autorisant l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) à entreprendre l'expérience n'est pas rapidement publié. « Si le décret n'est pas publié dans les jours qui viennent, nous prendrons nos responsabilités et déposerons une proposition de projet de loi », prévient Jean-Baptiste Moreau.

700 000 patients concernés

« Nous sommes l'un des derniers pays d'Europe à ne pas autoriser le cannabis thérapeutique, explique Jean-Baptiste Moreau, alors que 700 000 patients pourraient en bénéficier ». Selon le rapport préliminaire de la mission d'information, 400 000 personnes en France consomment régulièrement du cannabis récréatif pour se soulager et s'exposent à des poursuites.

Dans leur rapport, les parlementaires formulent 10 propositions, à commencer par la publication du fameux décret ainsi qu'au renoncement du ministère à la gratuité de l'expérimentation. Aucun budget n'est à ce jour prévu par le ministère pour financer l'expérimentation. Cela implique deux choses : les coûts de l'expérimentation reposeront sur l'ANSM, ce qu'elle ne peut pas se permettre de l'avis des membres de la mission, et il sera demandé aux firmes participantes de fournir gratuitement les produits contenant du THC et du CBD, les deux cannabinoïdes utilisés dans le cadre de l'expérimentation.

« Il faut que les chercheurs qui pilotent l'expérimentation, puissent garder le contrôle sur les dosages et les procédés de fabrication, explique Robin Réda, président de la mission et député Les Républicains de l'Essonne. Ce ne sera pas possible si on dépend du bon vouloir de fabricants étrangers ».

Une filière française à soutenir

Les députés et les sénateurs demandent aussi d'inscrire dans le Code de la santé publique la possibilité de produire, transporter, fabriquer, importer, exporter, détenir, offrir, céder, acquérir et employer l'ensemble de la plante de cannabis ainsi que de variétés contenant plus de 0,2 % de THC, afin de permettre l'émergence d'une filière française de production de cannabis thérapeutique. Avec 75 % de la production, « la France est le premier producteur de chanvre européen et le 3e pays au monde, explique Jean-Baptiste Moreau. Pour les JO de 2024, il est prévu de construire certains bâtiments en chanvre. D'un pur point de vue pratique, il serait préférable de pouvoir exploiter l'ensemble de la plante », c'est-à-dire la fleur pour le cannabis thérapeutique.

À l’issue de différentes auditions, il est apparu aux membres de la mission qu'il était nécessaire d'amorcer dès à présent une réflexion sur le statut des différents produits du cannabis thérapeutique et l'élargissement des indications au-delà des cinq retenues pour l'expérimentation (la dépression est notamment citée). Ils entendent aussi étendre les efforts de formation à l'ensemble des professionnels de santé, en incluant la prescription du cannabis dans les orientations pluriannuelles prioritaires de développement. Ils proposent aussi de renforcer la recherche sur les effets du THC afin de déterminer, par exemple, des seuils au-delà desquels un usager de cannabis thérapeutique ne serait pas autorisé à conduire.

Les déclarations du ministre Gérald Darmanin

Ce rapport préliminaire est rendu publique au moment où le ministre de l'intérieur, Gérald Darmanin, multiplie les sorties médiatiques à l'encontre de toutes les expériences de légalisation du cannabis. Pour les membres de la mission, les positions tranchées du ministre de la justice ne sont pas de nature à influencer le travail du ministère des solidarités et de la santé qui a la haute main sur l'expérimentation. « Je ne pense pas qu'il y ait une pression du ministère de l'intérieur dans ce dossier, explique Jean-Baptiste Moreau. Au contraire, je pense que les ministères ne dialoguent pas assez. »

La mission d'information va continuer son travail avec un volet sur le cannabis CBD et un autre sur le cannabis récréatif. La remise du rapport complet est prévue pour le début de l'année 2021.


Source : lequotidiendumedecin.fr