Depuis que le barrage de sécurité qui entourait l’Italie s’est effondré vendredi soir, le pays s’enfonce dans la peur. Dans tout le nord mais aussi à Rome, qui n’est pourtant pas encore touchée par la crise COVID-19, les officines prises d’assaut ont épuisé leurs stocks de masques chirurgicaux et de gel antibactérien pour les mains.
Et tandis qu’un sixième décès a été annoncé et que le nombre de cas avérés augmente d’heure en heure, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a décidé d’envoyer une équipe à Rome pour participer à la recherche du patient initial. Et c'est suite à l'augmentation soudaine et très préoccupante de nouveaux cas en Italie, mais aussi en Corée et en Iran, que le directeur général de l'OMS a appelé lundi le monde à se préparer à « une éventuelle pandémie » du nouveau coronavirus.
Depuis vendredi dernier en Italie, une seule question est sur toutes les lèvres : comment le COVID-19 est-il arrivé dans le pays alors qu'il avait été jusqu’à présent épargné notamment grâce à la suspension des vols de et vers la Chine à la fin du mois de janvier ? « L’augmentation du nombre de cas en Italie est particulièrement inquiétante comme le manque de clarté sur les liens entre les différents cas », a déclaré Hans Kluge, directeur de la branche européenne de l’OMS.
Une enquête au point mort
De fait, l’enquête épistémologique est actuellement au point mort. Après avoir envisagé que le premier cas avéré, un chercheur âgé de 38 ans originaire de Codogno, une commune de 16 000 habitants située en Lombardie et placée à l’isolement avec tous ses habitants, avait été contaminé par un collègue de retour de la Chine, les autorités ont dû revenir à la case départ.
Testé négatif, ce voyageur n'est pas le point de départ de la contagion : ce n’est pas un patient asymptomatique comme l’avaient supposé les autorités sanitaires vendredi soir et il n’a pas développé d’anticorps. En revanche, avant d’être hospitalisé, le patient « un » a lancé la chaîne de transmission en infectant sa femme, un employé du centre de triage des urgences, deux amis dont l’un travaille dans un bar et qui a contaminé à son tour, un client d’origine turinoise de passage dans la région.
Une contamination possible aux urgences
Autre problème : il y aurait deux foyers, l’un en Lombardie, l’autre en Vénétie où le COVID-19 a fait sa première victime samedi dernier, Adriano Trevisan un entrepreneur en retraite âgé de 78 ans. Deux jours plus tard, un autre retraité proche de la victime et testé positif, est hospitalisé. Or les deux retraités n’ont jamais été en Chine et n’ont eu aucun contact avec le fameux patient « un » de Codogno. Ils ont seulement bu quelques verres dans un bar fréquenté par huit ouvriers d’origine chinoise à l’occasion d’un match de football. Mais tous les Chinois ont été testés négatifs.
Pendant que le bilan des nouveaux cas détectés s’alourdit dans le nord du pays, un deuxième décès est enregistré le 20 février : il s’agit d’une femme également retraitée. Mais cette fois-ci, la piste mène tout droit au fameux patient « un », la retraitée ayant consulté au service des urgences où le chercheur a été examiné à deux reprises avant d’être finalement hospitalisé.
L'Italie se prépare à l'épidémie
« Nous avons créé un cordon sanitaire tout autour des communes situées dans la zone des deux foyers pour reconstruire la chaîne de transmission du COVID-19, il pourrait s’agir d’une personne qui a guéri après avoir infecté d’autres personnes. Il faut aussi réussir à dresser une liste de tous les contacts des personnes contaminées pour agir vite et enrayer la propagation du virus », affirme Angelo Borrelli, commissaire extraordinaire pour l’émergence coronavirus.
Face à l’augmentation de nouveaux cas et des décès, l’Italie se prépare désormais au pire. « Le virus pourrait se propager dans les grandes villes, c’est un risque réel, ce type de scénario serait le début d’une véritable phase épidémique et il faudrait alors envisager des mesures extrêmement ciblées », estime le Pr Pier Luigi Lopalco, professeur d’hygiène à l’université de Pise. Il ajoute : « nous devons nous préparer, les hôpitaux doivent être prêts à accueillir un nombre important de patients et il faut organiser un système de triage extrêmement sophistiqué pour séparer les cas les plus graves et les moins importants, ceux des patients pouvant être soignés à domicile ».
En Lombardie et Vénétie, des liens économiques étroits avec la Chine
Pour le Pr Massimo Galli, chef du département des maladies infectieuses de l’hôpital Sacco à Milan : « Il faut comprendre au plus vite le mécanisme de la chaîne de transmission, comment elle a commencé et comment elle va se développer. Il se peut qu’un patient en phase d’incubation soit entré en Italie et qu’il ait ensuite développé la maladie sans présenter de symptômes réels ou pour le moins graves, ce qui lui aurait permis d’avoir une vie normale et de nombreux contacts d’où l’explosion de plusieurs cas ».
Mais pourquoi en Lombardie et en Vénétie ? « Parce que ces deux régions ont des relations économiques étroites avec la Chine et que des communautés importantes y sont implantées, estime le Pr Galli. Le virus pourrait avoir été importé par un homme d’affaires italien et non pas obligatoirement par un ressortissant chinois ». Mardi, le Conseil des ministres devrait se réunir en séance extraordinaire pour dégager des fonds afin de venir en aide aux régions frappées de plein fouet par l’épidémie.
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