La médecine narrative, une nouvelle discipline

De l’art de recréer la relation médecin-malade

Publié le 30/06/2014
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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Ces dernières décennies, la course à l’efficience et à la rentabilité ont, certes, réduit le temps de consultation mais les médecins prennent, de plus en plus, conscience de l’importance du colloque singulier dans la prise en charge du patient. De fait, le malade qui se sent écouté - et qui ressent une réelle empathie de la part de son médecin - adhère plus facilement au projet thérapeutique proposé.

Pour donner du sens au récit du patient et améliorer sa prise en charge, une nouvelle discipline - pouvant s’appliquer à toutes les spécialités médicales - a vu le jour aux États-Unis : la médecine narrative. « Cet enseignement créé par Rita Charon (professeur de médecine clinique et directeur du programme de médecine narrative au Collège Université de Columbia, New-York) s’intéresse au cadre et à la forme narratives, à l’emploi des mots et au ton du récit raconté par le patient. La médecine narrative emprunte, ainsi, à la littérature son côté structuré d’analyse de texte », souligne le Dr Amina Lahlou, gériatre, Hôpitaux Universitaires La Pitié-Salpêtrière-Charles Foix.

Aux États-Unis, la médecine narrative adopte des règles bien précises. À la première consultation, le médecin invite le patient à se raconter, à décrire son histoire, son état de santé. « Il faut laisser le patient parler sans l’interrompre et surtout, ne pas prendre de notes afin que l’écoute soit la plus attentive possible. Les notes seront prises plus tard : par exemple, lorsque le patient se déshabille », note le Dr Lahlou.

Comprendre l’histoire du patient

Des études ont montré que les patients parlent, en moyenne 4 à 5 minutes, lors d’une consultation, si le médecin ne les interrompt pas. Or d’après des travaux publiés dans les annales de médecine interne en 1984), les médecins interrompent le patient régulièrement pour le questionner : la première interruption intervenant dès 18 secondes de paroles.

Lors de la deuxième consultation, le médecin relit ses notes devant le patient. « Le fait de citer le patient renforce la confiance de celui-ci envers son médecin et l’alliance thérapeutique. Il faut également encourager le malade à écrire ce qu’il souhaite exprimer à son médecin sur son état de santé et à lire son texte lors de la consultation », précise le Dr Lahlou.

Pour ce gériatre, la médecine fondée sur les preuves et la médecine narrative devraient constituer les deux piliers de la formation médicale. En France, la médecine narrative est enseignée depuis 4 ans aux étudiants de quatrième année de médecine de l’université René Descartes à Paris à titre expérimental (le Pr François Goupy est le responsable de cette formation). « L’objectif pédagogique est d’améliorer la relation médecin-patient via une réflexion sur le métier de médecin, des ateliers d’écriture réflexive, des analyses de témoignages de patients... Cette formation développe la capacité de raconter, d’absorber, d’interpréter et d’être ému par l’histoire d’un patient. Cela permet de comprendre l’expérience du patient mais aussi, de mesurer sa propre vocation médicale », conclut le Dr Lahlou.

* http://www.fondationhopitaux.fr

Hélia Hakimi

Source : Le Quotidien du Médecin: 9339