DES MILLIERS de patients de par le monde pourraient être exposés à des substances toxiques émanant de prothèses de la hanche dites « métal sur métal » (MoM), constituées d’un alliage de chrome et de cobalt. C’est ce qu’affirme une enquête commune du British medical journal (BMJ) et de la BBC, qui fait suite au retrait de marché par le fabricant Depuy de l’un de ses modèles de prothèse de hanches (ASR), de type MoM. Un nombre important de patients porteurs du système de hanche ASR ayant éprouvé des douleurs et d’autres symptômes qui ont entraîné une seconde intervention de remplacement de la hanche. Caractérisée par un diamètre important, cette prothèse dite à "grosse tête" pose avec le phénomène d’usure un problème de diffusion de métal dans l’organisme plus important que pour d’autres prothèses MoM de plus petites tailles. « Cela a entraîné plusieurs échecs de prothèse par descellement car la métalose est ostéolytique et nécrose les muscles, jusqu’à entraîner parfois des pseudos tumeurs », explique le Pr Jean-Pierre Courpied, président de la Société française de chirurgie orthopédique et traumatologique (SOFCOT). En France, depuis l’été 2010, cette prothèse de la société Depuy a été retirée du marché, un an après un retrait aux États-Unis et en Australie. En France, d’après les données de l’AFSSAPS (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé), 380 personnes porteuses de la prothèse Depuy ASR sont concernées et suivies de près, avec surveillance des dosages ioniques dans le sang. Mais, « il y a toujours en France sur le marché des prothèses à "grosse tête" « métal-métal » car ces produits ont « moins d’ennuis… semble-t-il », souligne le Pr Courpied.
Nécessité d’un registre.
C’est là où le bât blesse. « Pour être au courant des problèmes, ce n’est pas si simple car on ne dispose pas d’un registre qui fonctionne bien », poursuit le président de la SOFCOT qui a mis en place depuis quelques années un registre non exhaustif car reposant encore sur une démarche volontariste. « On a demandé plusieurs fois à l’assurance-maladie de le rendre obligatoire car un tel registre permettrait d’alerter théoriquement l’Afssaps en cas de problème », ajoute-t-il. Disponibles depuis 1997, les prothèses MoM sont très utilisées dans les pays anglo-saxons mais moins sur notre territoire, de l’ordre de 7 % des prothèses implantées sur notre territoire, d’après les chiffres 2005 de l’Union nationale des caisses d’Assurance-maladie (UNCAM). « En France pour des raisons historiques d’éducation des chirurgiens, l’utilisation du couple métal/métal reste très minoritaire », souligne le Pr Charles Msika, membre de la Société française de chirurgie orthopédique et traumatologique (SOFCOT). Dans leur enquête, le BMJ et la BBC rappellent que si la génotoxicité du cobalt et du chrome a été décrite chez l’animal depuis 30 ans dans des publications scientifiques, les effets à long terme sur l’homme demeurent encore mal connus. « On sait que cela génère des élévations de cobalt et de chrome mais jusqu’à maintenant, il n’y a pas eu de toxicité prouvée », indique le Pr Courpied. Le BMJ et la BBC citent un document interne à Depuy en date de 2005 qui évoque la possibilité que des débris d’usure puissent être cancérigènes. Aux Etats-Unis, la Food and drug administration (FDA) a demandé en mai 2011 à vingt fabricants de développer des études de suivi à long terme sur ces prothèses. Il faut dire que ces fabricants ont souvent pu modifier depuis 10 ans la forme de leurs prothèses MoM sans mener de nouveaux essais cliniques d’efficacité et de sûreté car le système de régulation des dispositifs médicaux de nombreux pays comme la France n’oblige pas de requalifier le produit en cas d’évolution. « Le problème, c’est qu’on peut mettre aujourd’hui sur le marché un dispositif médical qui n’a pas encore fait ses preuves, tout simplement parce qu’il ressemble à un autre dispositif accepté depuis longtemps », commente le Pr Courpied.
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation