« La vaccination est présentée comme non douloureuse avec des images d'enfants ravis. Mais la réalité est bien différente. Or cette douleur alimente les réticences », résume la Pr Anna Taddio (Toronto). C'est pourquoi la prévention et la prise en charge de cette douleur pourraient améliorer l'adhésion aux programmes de vaccination. Des recommandations dans ces sens existent déjà au Canada (1), aux États-Unis et au Royaume-Uni. Dans une note publiée cet été, l'OMS préconise d'intégrer dorénavant l'atténuation de la douleur vaccinale aux programmes de vaccination et détaille les techniques recommandées (2).
« Alors que la vaccination sauve des vies, le nombre de personnes qui la refuse augmente et ce dans tous les pays, quel que soit leur niveau de développement. C'est pourquoi l'OMS a développé un groupe de réflexion sur ce thème », explique la Pr Taddio.
D'après ce travail, 80 % des sujets acceptent bien la vaccination avec toutefois dans des sous-groupes plus sceptiques, 15 à 20 % expriment des réticences et 5 % refusent toute vaccination.
L'OMS a défini en 2015 les trois items déterminants cette réticence vaccinale : la complaisance ou le fait de se sentir concerné par la maladie, la confiance ou croyance en l'efficacité et la sécurité du vaccin et la commodité, autrement dit la logistique, le coût mais aussi la douleur lors de l'injection (3).
« La douleur impacte deux items : la confiance - la douleur est vécue comme un effet secondaire du vaccin - et la commodité. Résultat : la vaccination elle-même, associée à la douleur, participe et alimente la réticence », souligne A Taddio. En effet même administrés correctement, les vaccins injectables sont à l’origine d’une douleur de degré variable suivant la composition vaccinale.
La douleur est d'ailleurs l'une des barrières à la vaccination évoquées par 10 % des parents, 20 % des adolescents, 10 % des adultes et 10 % des personnels soignants. Des études menées aux États-Unis et au Canada indiquent que 24 à 40 % des parents s’inquiètent de cette douleur pour leur enfant et 95 % d’entre eux souhaitent apprendre comment la diminuer.
Recommandations de pratique clinique
À la lumière de 55 interventions d'atténuation de la douleur à l'injection (même non vaccinale) testées chez des enfants et des adultes, les experts de l'OMS recommandent plusieurs stratégies non onéreuses et utilisables à l'échelle mondiale (2).
Le réchauffement du vaccin entre les mains et la stimulation manuelle du site d'injection avant la vaccination ne sont pas recommandés par l'OMS. L'aspiration avant injection intramusculaire est bannie. Lorsque plusieurs vaccins sont injectés dans la même séance, on doit aller du vaccin le moins douloureux au plus douloureux, l’administration en premier du plus douloureux augmentant la douleur cumulée ressentie (4).
Il est recommandé au personnel soignant d'être calme, coopératif, bien informé et d'utiliser des termes neutres tels « maintenant, j’y vais » plutôt que « je vais piquer », d'éviter un langage susceptible d’aggraver l’inquiétude, mais aussi de s'abstenir de propos faussement rassurants comme « vous n'aurez mal qu'une seconde ».
Pour les enfants avant 6 ans la distraction est vivement conseillée. Chez l'adulte, dans le même but, on peut utiliser des exercices de respiration.
L'enfant doit être tenu par la personne qui l'accompagne, porté dans les bras avant 3 ans, et posé sur ses genoux avant 6 ans, assis dos bien droit.
L'usage d'antalgiques oraux est déconseillé avant ou pendant la vaccination car ils sont peu efficaces. Les antalgiques locaux type lidocaïne sont recommandés même si l'OMS ne préconise pas leur usage au niveau mondial étant donné leur coût. « Au Canada nous recommandons, en plus des analgésiques locaux, l'allaitement au sein des nourrissons ou l'absorption d'une solution sucrée (jusqu'à 2 ans) durant la procédure, toujours à visée antalgique », ajoute Anna Taddio (1).
Enfin, l'OMS souligne l'intérêt de former les personnels soignants mais aussi les parents à ces stratégies d'atténuation de la douleur.
D'après la présentation de Anna Taddio (Toronto, Canada)
(1) Taddio A et al. CMAJ 2015,187:975-82
(2) WHO position paper – September 2015 WER 2015;90: 505-16
(3) Mac Donald NE. Vaccine 2015;33:4161-4
(4) Taddio A et al. Clin Ther 2009;31:48–76
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation