Encore 36 millions de victimes dans le monde

Des soins pour aider à sortir de l’esclavage moderne

Publié le 11/12/2014
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L’esclavage n’a pas disparu. Il a simplement pris d’autres formes que l’image d’êtres humains entravés par des chaînes. L’esclavage des temps modernes inclut outre cet esclavage traditionnel, le travail forcé, l’exploitation, la servitude domestique, les mariages forcés, l’esclavage sexuel, la vente des veuves, et le servage.

Il y aurait cette année dans le monde, près de 36 millions de personnes touchées par les formes contemporaines d’esclavage, soit 0,5 % de la population mondiale, selon une organisation de défense des droits de l’homme. Il y en aurait près de 10 000 en France mais il est difficile de chiffrer avec autant de précision ce fléau. « La France a dû faire évoluer le code pénal pour prendre en compte les nouvelles formes d’esclavage avec l’introduction de nouvelles infractions, par exemple sur des formes d’exploitation extrêmes dans le travail. Nous devons former les acteurs comme la police et la justice pour qu’elles puissent changer leurs représentations de ce qu’est un esclave aujourd’hui », explique l’Organisation internationale contre l’esclavage moderne (OECM).

Des victimes recrutées sur le net

Depuis 2001, l’OICEM assure un accompagnement pluri-disciplinaire des enfants, femmes et hommes victimes des formes actuelles de l’esclavage, sur le plan juridique, psychologique et social. Cette année, ce sont 300 signalements et une centaine de suivis qui ont été réalisés par l’association. Des femmes beaucoup (71 % selon les chiffres de 2013) et des jeunes de moins de 30 ans pour plus de 55 % des personnes. « Mais s’il s’agit souvent de personnes en situation de vulnérabilité dans des pays étrangers, on assiste à une évolution du phénomène avec des personnes qui ont fait des études et qui ont été recrutées via internet », explique Nagham Hriech Wahabi, directrice OICEM. Et de citer le cas d’une asiatique, Kelly, qui souhaitait apprendre le français. Elle répond à une annonce pour jeunes filles au pair et se trouve recrutée par une famille qui l’empêche de sortir et ne la paie pas pour les tâches effectuées. C’est son frère qui, inquiet, contactera une ONG pour la libérer, via une action de gendarmerie. Les exemples ne manquent pas, pour des personnes recrutées par des employeurs-exploiteurs, ou des jeunes femmes de l’est enrôlées de force dans des réseaux de prostitution et mendicité.

À chaque fois le tableau, pendant la période d’exploitation, est sombre : les personnes n’ont pas accès aux soins et aux sanitaires librement, elles subissent souvent des violences physiques et psychologiques, elles restent isolées et sans argent. Le signalement se fait par la police, ou les hôpitaux souvent qui les accueillent suite à la maltraitance. « Le personnel soignant est l’interface pour repérer des situations compliquées et inquiétantes et orienter les personnes victimes », insiste Nagham Hriech Wahabi.

Un lourd tableau clinique à prendre en charge

C’est là que peut commencer la prise en charge autour de premiers entretiens, ouverture d’une procédure juridique et accompagnement d’un projet individualisé.

La protection de ces personnes passe aussi par la santé. « Elles doivent se réapproprier leur histoire, et cela passe souvent aussi par des premiers soins, et un premier bilan des carences - elles n’ont souvent pas pu manger correctement ou pas du tout -, des blessures non soignées, des sévices sexuels parfois. Il y a tout un travail ensuite pour travailler sur la reconstruction de soi », souligne la directrice de l’OICEM. Le rôle du médecin généraliste auprès des enfants aussi est essentiel. Ces victimes présentent souvent des troubles du sommeil, du comportement alimentaire, des angoisses, une forte dévalorisation de soi. Souvent cette sous-estimation amène ces enfants à aller rencontrer des personnes très malveillantes et manipulatrices. On observe aussi une grande fragilité narcissique, et une très grande angoisse dans la relation à l’autre », poursuit Nagham Hriech Wahabi. Autant de traits qui conduisent plus tard aux addictions ou à une prise de risque importante dans la relation à l’autre et qui justifient un suivi physique et mental très important.

OICEM - 72 rue de la République, 13002 Marseille

De notre correspondante Hélène Foxonet

Source : Le Quotidien du Médecin: 9373