LE QUOTIDIEN : Comment s'est mis en place le sport santé sur ordonnance ?
Dr ALEXANDRE FELTZ : Avec le maire de la ville de Strasbourg Roland Ries, nous avons lancé en 2012, pour la première fois en France sur le territoire d'une ville, le sport santé sur ordonnance. Les médecins traitants ont pu prescrire à leurs patients malades une ordonnance, leur permettant de faire de l'activité physique adaptée à leurs symptômes.
Au départ, cela concernait plutôt les maladies métaboliques. Puis les prescriptions se sont ouvertes à d'autres secteurs comme le cancer et les soins orientés vers les personnes âgées fragilisées. Les médecins généralistes évaluent avec le patient la nécessité d'une prescription d'une activité physique. Puis une équipe municipale d'éducateurs sport santé prend le relais. Ceux-ci dressent un bilan des aptitudes du patient à l'effort, mettent en place un protocole en lien avec le médecin. Cette triangulation fait le succès du dispositif. Deux séances par semaine durant un an sont offertes et ensuite il existe une tarification solidaire.
Tous les sports sont-ils concernés ?
C'est surtout l'intensité qui importe. Le sport santé peut être une activité physique régulière d'intensité faible ou modérée. Faible lorsque l'activité physique ne change quasiment pas le rythme cardiaque, ni les respirations : la marche, la marche nordique, la marche avec des bâtons, des sports doux comme le taï-chi, le qi qong, le yoga. Intensité modérée, lorsque l'on est à la limite de l'essoufflement : rouler à 15 km à l'heure à vélo ou nager tranquillement. Pour les enfants de 3 à 18 ans en surpoids ou obèses, une prise en charge précoce a été mise en place. Des conseils de nutrition et l'intervention de psychologues et d'infirmières de santé publique sont incorporés au programme.
Comment sont choisis les sports ?
Le désir du patient joue un rôle important : ce qu'il a fait ou pas, ce qu'il aime, ce qu'il n'aime pas. Sont évaluées également les capacités de chacun, d'éventuelles douleurs et la maladie en elle-même. En période de non Covid, plus de 100 activités sont proposées chaque semaine. Lorsque l'on est diabétique c'est bien d'avoir une activité cardiovasculaire. Pour les sujets âgés, il est recommandé de faire du renforcement musculaire : l'activité physique réduit de moitié les risques de chute chez les patients fragiles ou qui ont déjà chuté. Si on n'encourage pas ces personnes à faire du sport, elles ne bougent plus par peur de tomber de nouveau, ce qui aggrave les choses.
Pour la prévention de l'ostéoporose, la marche est utile. En cas de problèmes de hanche et d'arthrose, la marche nordique permet de soulager les articulations, de même que la marche dans l'eau en respectant les zones douloureuses.
Cela permet-il de diminuer ou même parfois d'arrêter les traitements ?
Oui. Pour le diabète c'est assez rapide. Certaines personnes ont le matin une glycémie élevée, elles font un peu d'activité physique et une heure après, leur glycémie a baissé. C'est très efficace. Un diabétique qui marche quotidiennement 30 minutes par jour peut baisser son traitement dans les semaines qui suivent la reprise de l'activité physique. Mais il faut continuer de bouger tout le temps.
Pour les hypertendus c'est la même chose même si c'est un peu plus long. Ceux qui ont une activité physique régulière peuvent diminuer, voire arrêter les médicaments pour l'hypertension. En psychiatrie, on ne devrait plus prescrire un neuroleptique, ou un antidépresseur sans activité physique associée. Quant au Covid-19, le sport joue également un rôle important. Ceux qui ont été en réanimation et qui avaient davantage l'habitude de faire du sport s'en sont sortis alors que d'autres sont décédés. Pour la reprise de la respiration, des capacités cardiaques et de l'énergie, le sport est très efficace, de même que pour diminuer l'anxiété liée à la contamination.
De manière générale, les médecins ont-ils pris l'habitude de prescrire du sport santé ?
Oui, partout où c'est organisé et financé. À Strasbourg, plus de 300 médecins le font, à Biarritz plus de 200. Lorsque le médecin a l'assurance d'une prise en charge de l’ordonnance sport santé, il en prend l'initiative. Il existe un enseignement de l'exercice physique pour les médecins généralistes à Strasbourg. C'est vraiment une nouvelle médecine qu'il faut généraliser un peu partout.
Quel est votre souhait le plus important pour le sport santé sur ordonnance ?
L'enjeu majeur consiste en un financement même forfaitaire par l'Assurance maladie. On a signé une tribune dans le « Journal du Dimanche » avec d'anciens ministres, des élus, plus de 40 députés pour qu'il existe un financement national et local. Si le retentissement n'a pas été fort jusque-là, on espère que cela va changer.
L'approche des Jeux Olympiques (JO) est une opportunité de se servir des moyens colossaux réservés au sport d'élite pour développer l'activité physique pour tous. Tony Estanguet, ancien athlète de canoë slalom et président du comité d'organisation des JO 2024, s'y est engagé. Mais cela n'est pas très bien accueilli par certains sponsors… Il faut vraiment être très volontariste pour obtenir un bilan santé positif.
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