La fin du monopole médical relatif aux actes d'épilation semble se rapprocher. Le Conseil d'État estime, dans une décision du 8 novembre, que restreindre la pratique de l'épilation au laser ou à la lumière pulsée aux médecins, constitue une restriction à la liberté d'établissement et à la libre prestation de services, définies par le droit européen.
Au cœur de ce long contentieux, figure l'arrêté du 6 janvier 1962 qui réserve la pratique de l'épilation aux médecins, à l'exception des épilations à la cire ou à la pince. Mais en pratique, depuis une dizaine d'années, des centres de beauté développent une offre d'épilation à la lumière pulsée (ou lampes flash), quitte à être condamnées pour exercice illégal de la médecine.
Le Conseil d'État examinait une requête déposée en octobre 2018 par le Dr Dominique Debray, président du Syndicat national des centres laser en dermatologie. Partisan d'une délégation de tâche, il demandait l'annulation du refus implicite opposé par la ministre de la Santé d'abroger les dispositions de l'arrêt de 1962.
Des mesures à prendre pour protéger la santé publique
« La disposition réservant aux docteurs en médecine la pratique de l'épilation au laser ou à la lumière pulsée, dont le refus d'abrogation est contesté, constitue une restriction à la liberté d'établissement et à la libre prestation de services », lit-on dans la décision du Conseil d'État.
La haute juridiction reconnaît que l'épilation au laser ou à la lumière pulsée est susceptible de provoquer des effets indésirables, bien répertoriés dans un rapport de 2016 de l'Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) : réactions inflammatoires immédiates localisées, troubles pigmentaires tardifs, brûlures cutanées ou oculaires, liées à des erreurs de manipulation.
Mais « il ne ressort pas que seul un médecin puisse manipuler sans risque pour la santé des appareils à laser ou des appareils à lumière pulsée », analyse le Conseil d'État. Des mesures mieux adaptées pourraient garantir l'impératif de protection de la santé publique, avance-t-il, citant l'examen préalable par un médecin des personnes souhaitant se faire épiler ou la qualification des professionnels qui exerceraient sous la responsabilité et la surveillance d'un médecin. En outre, il est possible d'édicter des règles spécifiques par décret pour encadrer la formation des professionnels, la déclaration d’activités, et les bonnes pratiques de toute technique à visée esthétique, rappelle la juridiction.
En conclusion, le Conseil d'État considère que les autorités sont tenues dans un délai raisonnable d'abroger l'article 2 de l'arrêté de 1962 et d'encadrer les pratiques d'épilation pour protéger la santé publique, tout en respectant le droit de l'Union européenne.
Ce que les autorités devraient de facto faire sous peu. La France vient de déposer devant la Commission européenne fin octobre un projet de décret destiné à faire évoluer la réglementation française. Les actes d'épilation à la lumière pulsée pourront être « exercés par tout médecin, tout auxiliaire médical exerçant sous la responsabilité d’un médecin ou tout esthéticien qui délivre une prestation d’épilation avec ce type d’appareil au consommateur ». Le projet de décret prévoit qu'une information soit donnée avant toute prestation au consommateur sur les contre-indications de la technique, et qu'il lui soit recommandé de prendre l'avis de son médecin. En mai dernier, le Syndicat national des dermatologues-vénérologues s'était élevé contre ce texte qui permettait aux esthéticiens de pratiquer en dehors de toute responsabilité médicale.
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