Espérance de vie : l’écart se creuse depuis 30 ans entre ruraux et urbains, sur fond de désertification médicale

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Publié le 17/12/2020
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Crédit photo : PHANIE

Les habitants des espaces ruraux ont une espérance de vie plus courte que ceux des villes et cet écart se creuse depuis 30 ans, révèle une étude publiée le 16 décembre par l’Association des maires ruraux de France (AMRF) et la MACIF, en partenariat avec France Bleu. Un homme vivant dans un espace « hyper rural » vivra en moyenne 2,2 ans de moins qu’un « hyper urbain ». Pour les femmes, la différence est moins marquée : une « hyper urbaine » peut espérer vivre 9 mois de plus qu’une « hyper rurale ».

S’appuyant sur les données de l’INSEE, l’étude a été menée par un spécialiste des questions territoriales de santé, Emmanuel Vigneron, professeur à l’université de Montpellier. Elle propose une typologie des départements selon cinq catégories : hyper rural, rural, composite, urbain et hyper urbain. Entre ces différentes catégories de territoires, « il existe un gradient incontestable de creusement des inégalités entre l’hyper urbain et l’hyper rural », est-il souligné.

Un écart de 2,2 ans pour les hommes et de 9 mois pour les femmes

Ainsi, entre 1990 et 2019, l’espérance de vie d’un homme vivant en zone hyper rurale est passée de 72,9 ans à 78,5 ans, tandis que celle d’un hyper urbain a progressé de 73,2 ans à 80,7 ans. En 30 ans, l’écart s’est creusé de 3 mois à 2,2 ans. Chez les femmes, l’écart est passé de 3 mois en 1990 à 9 mois en 2019. L’espérance de vie d’une hyper urbaine est ainsi passée de 81,1 ans en 1990 à 85,8 en 2019, contre 80,9 ans en 1990 et 84,9 ans en 2019 pour une hyper rurale. En outre-mer, ces inégalités sont encore accentuées : l’écart s’établit à 2,8 ans chez les hommes et à 1,3 an chez les femmes.

« L’espérance de vie en prend un coup parce que l’on consomme moins (de soins) et on consomme plus tard. Il y a moins de médecins, les maladies peuvent devenir graves », a commenté auprès de l’AFP Emmanuel Vigneron.

Une précédente étude du chercheur, publiée le 7 décembre également par l’AMRF, mettait en effet en évidence que les habitants des zones rurales consomment, à âge et sexe égaux, 20 % de soins hospitaliers en moins que les habitants des villes. Dans les territoires très peu denses, un écart de 31 % est même observé pour les séances de chimiothérapie et de dialyse essentiellement, par rapport aux zones denses.

« Ce qui est consommé en moins en soins dans les zones rurales est en fait une part de renoncement aux soins. Là où il y a les déserts médicaux, il n’y a pas de médecins, donc pas de soins à l’hôpital. C’est la double peine. Pour aller consulter un spécialiste, il faut une lettre du médecin traitant. Nos habitants sont pénalisés », commente Isabelle Dugelet, maire de La Gresle, citée dans l’étude.

Une corrélation avec les déserts médicaux

La cartographie des données suggère une « forte corrélation avec l’absence de médecins traitants : là où il n’y a pas de médecins libéraux qui dépistent et adressent le patient à l’hôpital, moins de patients vont à l’hôpital, est-il souligné. À l’inverse, les zones de forte consommation de soins hospitaliers correspondent, sauf exception, aux zones urbaines et aux couloirs de circulation les reliant ».

« Cette carte traduit un vrai problème de cohésion. Alors que les territoires ruraux sont attractifs (notamment du fait de la crise sanitaire et du développement du télétravail), l’accès aux soins hospitaliers y est fortement dégradé », juge Emmanuel Vigneron.

En complément de ces résultats, d’autres travaux devraient être publiés prochainement par l’AMRF, notamment sur la répartition des médecins sur le territoire, sur les temps d’attente dans les services d’urgence, ou encore sur les départs à la retraite des médecins généralistes.


Source : lequotidiendumedecin.fr