Ils ne l’ont pas examiné en direct, mais les psychiatres et psychanalystes sollicités par « le Quotidien » ont décrypté le tableau clinique offert par le « festival Trump », depuis que le milliardaire à l’improbable système capillaire jaunâtre arpente la campagne américaine, à coup de déclarations fracassantes : complotisme délirant, racisme invétéré, égotisme exacerbé, machisme débridé, mépris compulsif des données scientifiques… « Nous avons là assurément plus de trois des quatorze symptômes requis pour poser un diagnostic de trouble de la personnalité narcissique selon le DSM 5, constate le Pr Sebastian Dieguez, chercheur en neurosciences cognitives (Université de Fribourg). Trump est à ce point décomplexé que ses discours illustrent le concept de bullshift, l’art de dire n’importe quoi sur tout, y compris sur lui-même, quand il se gargarise – abusivement – de sa réussite personnelle. » Après le tuerie d'Orlando, le tableau s'est encore aggravé, avec des propos complotistes sur la religion musulmane cachée d'Obama et la stigmatisation de l'islam.
« Quand je serai élu, je suspendrai l'immigration en provenance de régions du monde ayant un passé avéré de terrorisme contre les États-Unis, l'Europe ou nos alliés, jusqu'à ce que l'on comprenne pleinement comment mettre fin à ces menaces. »
Lui, ses succès, son image : c’est son centre d’intérêt, sa marque de fabrique et son principal argument. « Ce narcissisme atteint un degré histrionique paroxystique, constate le Dr Serge Hefez, psychiatre et psychanalyste (CHRU La Pitié-Salpêtrière, auteur de La Sarkoze obsessionnelle) : son goût de lui-même s’exprime dans son dégoût des femmes, qu’il juge inférieures, des pauvres, qu’il méprise, des émigrés auxquels il voue sa haine et même des handicapés dont il n'hésite pas à se moquer, avec une effrayante absence d'empathie. » « On pourrait même relever chez lui, observe le Dr Pierre Lembeye, psychiatre et psychanalyste, un total mépris de l’autre en général, quel qu’il soit ; l’autre, pour lui, n’existe pas, ou plutôt il n’existe que comme un ustensile à son service. C’est ce qui définit en politique le tyran, et en psychiatrie le psychopathe. »
Pour le Pr Pascal de Sutter, professeur de psychiatrie à Louvain-la-neuve et auteur de « Ces fous qui nous gouvernent », « Trump a bien sa place dans la galerie des fous qui nous gouvernent ou aspirent à nous gouverner. »
Poussez-vous, la loi c’est moi !
Une place qui lui fait transgresser toutes les règles : « Poussez-vous, la loi c’est moi, tel est le message de Trump, note le psychanalyste Ali Magoudi (auteur de « psychanalyses » de François Mitterrand, Jacques Chirac et Jean-Marie Le Pen) . Un message destructeur mais bien perçu par les électeurs auxquels il promet de rendre leur grandeur perdue : des hommes blancs de 30 à 50 ans, en perte de repères sociaux, auxquels il désigne le bouc émissaire hispanique et musulman. »
Un très beau spécimen de gorille dominant
De ce point de vue, dans sa relation avec les déclassés et les humiliés, analyse Marie Muzard, (« Ces grands singes qui nous dirigent »), à travers le prisme de l’éthologue, Trump est un très beau spécimen de gorille dominant : avec son dos jaune argenté, sa stature massive, ses parades d’intimidation, poussant des grands borborygmes d’insulte, affichant ses attributs virils, massacrant tous ses compétiteurs, le gorille dominant promet de rendre sa force perdue à la tribu des laissés pour compte, des humiliés. Avec eux, il pratique le grooming : il les épouille, non pas par mesure d’hygiène, mais pour marquer son pouvoir. »
Somme toute, « il se comporte bien en chef de horde », confirme le Dr Hefez. Son ascension dans les sondages s’inscrit dans la montée du mouvement « autoritarien », selon les spécialistes en psychologie politique Marc Hetherington et Jonathan Weiler (Authoritarianism and polarization in american politics), ciblé sur un groupe qui craint toutes les menaces, sociales et internationales, réclame des leaders forts et demande des boucs émissaires, en l’occurrence le musulman ou l’Hispanique. Et si le véritable sujet d’étude psychiatrique, alors, n’était pas Donald Trump, mais ses partisans ? C’est l’analyse que propose Ali Magoudi, pour qui « le populisme qui connaît un essor mondial, en France avec Le Pen, en Autriche et dans tout l’Occident, ne traduisait pas les fractures internes des identités culturelles, sur fond de racisme ? De ce point de vue, Trump surjoue sans faire dans la dentelle une partition qui menace aujourd’hui d’être gagnante un peu partout. »
Le candidat Républicain mettrait alors en œuvre la « madman theory », la théorie de l’homme fou, élaborée sous l’ère de Richard Nixon, pour faire croire qu’il est fou, en vue de déstabiliser l’adversaire. « Nous touchons ici la sempiternelle question en médecine légale et en nosographie psychiatrique, résume le Dr Hefez : jusqu’à quel point un psychopathe narcissique comme Trump maîtrise-t-il son trouble ? Autrement dit, est-il réellement fou ? Sans le comparer à Hitler ou à d’autres dictateurs, l’exacerbation des peurs et des colères auxquelles il s’adonne sous prétexte de rendre leur grandeur au peuple des frustrés est objectivement à risque. Dans un contexte de crise, on doit médicalement redouter un passage à l’acte. Trump flirte dangereusement avec la folie. »
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