Harcèlement : l'Assemblée nationale aura une cellule d'écoute et de soin au 1er janvier 2020

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Publié le 16/10/2019

Crédit photo : S. Toubon

À compter du 1er janvier 2020, un médecin, un psychologue et un juriste en droit du travail seront à l'écoute de toute personne travaillant à l'Assemblée nationale victime de harcèlement, a fait savoir le Bureau de la chambre basse. 

Cette cellule professionnalisée et pluridisciplinaire aura aussi un rôle de soin et de conseil. « Elle accompagnera les personnes concernées pour qu'elles puissent entreprendre les démarches adaptées », précise un communiqué du Bureau de l'Assemblée nationale. Elle pourra également saisir la déontologue. 

En outre, la cellule aura un rôle de formation et de sensibilisation, individuelle ou collective, des différents publics et de leur hiérarchie. 

« Une attention sera portée aux conditions d'accès à la cellule pour tous les publics, y compris pour les collaborateurs géographiquement éloignés, par exemple en circonscription », lit-on. Interrogée par « le Quotidien » la Présidence n'a pas donné plus de détails, faisant savoir que les modalités pratiques de fonctionnement seront définies ultérieurement. 

Les collaboratrices vigilantes 

La création de ce « dispositif de prévention et d’accompagnement en matière de lutte contre toutes les formes de harcèlement », découle de la réforme du Règlement intérieur de l'Assemblée, votée en mars. 

Le collectif Chair Collaboratrice, qui milite pour la mise en place d'une telle cellule depuis sa création en 2016 dans le sillage de l'affaire Denis Baupin, reste vigilante, « pour qu'elle ne soit pas une poupée de chiffon », selon les mots de la cofondatrice Mathilde Julié-Viot, conseillère du groupe de la France Insoumise sur les affaires sociales. 

Le collectif regrette notamment que le règlement ne prévoit pas, pour la cellule, la possibilité de saisir directement le procureur de la République. « L'intervention de la déontologue, qui est déjà possible – mais elle ne peut que convoquer un député qui se rendrait coupable de harcèlement – risque d'être un énième obstacle à la saisine de la justice », redoute Mathilde Julié-Viot. Une analyse que partagent les syndicats de collaborateurs parlementaires, qui regrettent en outre l'absence d'un lien organique avec l'inspection du travail. 

Par ailleurs, le collectif estime nécessaire la mise en œuvre d'une politique de prévention des violences sexistes et sexuelles plus globale. L'intersyndicale CFE-CGC, CFTC, CGT, CFDT, SNCP-FO, Solidaires, et Unsa considèrent que le rôle confié à la cellule « n'est pas au niveau de ce qu'exige la lutte contre le harcèlement que vivent au quotidien un très grand nombre de collaboratrices et de collaborateurs parlementaires »

Selon un sondage réalisé par Chair Collaboratrice en mars dernier (auprès de 92 répondantes), une collaboratrice sur deux déclare avoir été l'objet de blagues sexistes ou de propos déplacées sur son apparence ou sa vie personnelle ; une collaboratrice sur trois déclare avoir été victime d'injustes sexistes, de comportements gênants ou insistants (regards déplacés, mime d'acte sexuel). Une sur cinq dit avoir été victime d'agression sexuelle à l'Assemblée. « Les enjeux de pouvoir galvanisent et précipitent les comportements sexistes », commente Mathilde Julié-Viot. Elle évoque aussi des facteurs susceptibles d'encourager le sexisme : contrats de travail précaires, embauche par le député (et non l'institution), travail de nuit, impunité institutionnelle, etc. Plus de la moitié des victimes n'en parle à personne. 


Source : lequotidiendumedecin.fr