LE QUOTIDIEN – Dans votre livre, vous êtes très sévère pour la politique de santé menée par la droite depuis dix ans ; vous êtes critique aussi pour celle mise en oeuvre par la gauche en son temps. La santé est-elle un terrain qui demande un courage politique particulier ?
JEAN-MARIE LE GUEN – Sans doute demande-t-elle en effet du courage politique. Et donc de la pédagogie. Et donc une vision. À ce sujet, je ne mets pas à égalité la gauche et la droite. Tout particulièrement depuis cinq ans, les contresens ont été systématiques. Il n’y a pas de vision. Et encore moins de vision partagée...
La politique de santé est devenue une politique qui regarde dans le rétroviseur. Avec, pour l’essentiel, des arguments comptables. Je suis pour tout inverser. Il faut se projeter dans le futur, mu par une vision scientifique des choses. En observant les évolutions de la demande (les malades) et celles de l’offre (les docteurs). Et puis il faut penser cette vision dans le dialogue avec les professionnels et selon un modèle médico-économique qui sera raisonnable.
Vous formulez des propositions de réforme tout en expliquant que la politique que vous prônez est difficile, qu’il faudra faire des choix. Vous pensez que les Français suivront ?
Oui à condition qu’on ait une vision, une approche démocratique et une volonté politique. Il faut expliquer la situation honnêtement : il n’y a pas d’autre solution ; si on ne fait pas la réforme, il n’y a de poursuite possible ni du modèle de gauche, ni du modèle de droite.
Médecin, vous vous faites une haute idée de ce métier et constatez dans votre livre qu’il se « déprécie ». Vous avez des idées pour le revaloriser (vous évoquez le concept d’« entrepreneur solidaire ») mais la barre peut-elle être redressée ? Ce qui arrive aux médecins aujourd’hui peut faire penser à ce qui s’est produit pour les profs...
Vous citez les profs. Moi, je crois justement que notre société va évoluer de plus en plus vers la valorisation de l’éducation et de la santé. Parce qu’au milieu d’une crise terrible, on va distinguer de plus en plus l’essentiel de l’accessoire. Ceci étant, il y a en effet à l’œuvre un mouvement de désacralisation qui traverse toute la société. C’est une tendance lourde, que l’on observe depuis 200 ans. Moi, je pense que, alors que la médecine est peut-être la dernière transcendance dans notre société, le médecin de demain sera moins un prêtre qu’un expert reconnu, un acteur décisif dans la cité, défenseur des valeurs ultimes de l’humanité. Il n’y a qu’à voir ce film magnifique « La guerre est déclarée » : il est, sans ostentation, le plus beau plaidoyer pour les médecins que j’aie vu depuis 40 ans. Cette profession a encore de la ressource, elle peut gagner l’admiration et le respect dans les consciences.
Vos positions ne sont pas toujours en ligne avec celles du projet socialiste (sur la liberté d’installation, par exemple, ou encore sur la restructuration hospitalière – on a entendu Ségolène Royal promettre cet été qu’elle ne fermerait aucun hôpital de proximité, ce que vous ne dites pas). Les questions de santé font-elles débat entre les candidats à la primaire ?
Je pense que sa dimension « santé » est une des grandes faiblesses du projet socialiste. Mais c’est circonstanciel. Pour moi, le projet présidentiel des socialistes ne s’inspirera pas du projet à ce sujet. J’ai confiance sur la manière dont les choses vont évoluer.
À la lecture de votre livre, on pourrait penser que ne refuseriez pas de piloter la politique de santé en cas de victoire de la gauche en mai prochain. Se trompe-t-on ?
C’est évidemment un enjeu remarquable mais il ne saurait y avoir d’auto-proclamation en la matière. Conduire la politique de santé à une période difficile et périlleuse est un défi humain et intellectuel passionnant.
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