Aide au développement

La taxe sur les billets d’avion ne fait pas recette

Publié le 18/02/2011
Article réservé aux abonnés

EN 2005, SOUS L’ÉGIDE de Jacques Chirac, le parlement a créé une taxe de solidarité sur les billets d’avion incluant un décollage initial du territoire français. Entre 1 et 40 euros sont dès lors prélevés selon le type de billet. Depuis la mise en place effective du dispositif en juillet 2006 et jusqu’à la fin de 2010, près de 650 millions d’euros ont été collectés par l’Agence française de développement (AFD). Le produit de la taxe est ensuite reversé à UNITAID (1) et l’IFFIM (2), deux organismes internationaux de financement qui l’utilisent pour soutenir des programmes d’achat de médicaments dans les pays pauvres.

Ce dispositif de financement dit « innovant » reste aujourd’hui essentiellement soutenu par la France, qui génère 90 % du produit de la taxe au niveau mondial. Dans le cadre de cette taxe, les ministères des Affaires étrangères et des Finances ont normalement la charge d’en superviser l’affectation et l’utilisation. L’initiative est finalement revenue à la commission des finances de l’Assemblée nationale, qui a missionné la Cour des comptes sur le sujet. Dans un rapport (3) discuté mardi à la commission, la Cour fait d’abord état d’une collecte de la taxe « efficacement gérée par la direction générale de l’aviation civile ». Quant à l’AFD, celle-ci « s’acquitte bien » du versement du produit de la taxe aux deux bénéficiaires directs que sont UNITAID et l’IFFIM.

Durant l’année 2010, les magistrats de la Cour des comptes se sont également penchés sur l’utilisation effective du produit de cette taxe par ces deux organismes. UNITAID et l’IFFIM n’étant pas régis par le droit français, la Cour des comptes s’est vite retrouvée confrontée à des obstacles infranchissables. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et l’UNICEF, qui gèrent en grande partie les fonds issus d’ UNITAID et de l’IFFIM, ont ainsi logiquement refusé aux magistrats français l’accès aux détails de leurs comptes. « Prenant acte » de ce veto, la Cour remarque qu’à la mi-2010, ni l’OMS, ni l’UNICEF n’avaient réalisé un audit sur la gestion de ces fonds.

12 millions de bénéficiaires.

Si un certain flou entoure encore la réalité de l’utilisation du produit de la taxe sur les billets d’avion, la Cour des comptes estime toutefois que, sur le terrain, « l’impact sanitaire paraît conforme aux objectifs dans des contextes souvent difficiles, avec des efforts pour contenir les risques de gaspillage de médicaments et de vaccins, de corruption et de vol ». Selon la Cour, au moins 12 millions de personnes auraient bénéficié en 2009 de médicaments financés par cette taxe.

L’effet d’entraînement initié par la France pour généraliser la taxe au niveau international demeure toutefois limité, constatent les magistrats. Hormis la France, aucune grande nation n’a aujourd’hui instauré un tel système de taxe sur les billets d’avion pour financer l’aide au développement. Au 1er novembre 2010, à peine sept autres pays – essentiellement africains – avaient mis en œuvre ce type de taxe.

(1) Créé en 2006 pour optimiser l’achat de médicaments contre le paludisme, la tuberculose et le VIH Sida dans les pays en développement, UNITAID est administré par l’OMS.

(2) Créé également en 2006, l’IFFIM, ou « facilité internationale de financement pour la vaccination », finance l’Alliance GAVI, fondation suisse qui soutient des programmes de vaccination dans les pays pauvres.

(3)« La Taxe sur les billes d’avion et l’utilisation de ses recettes », Cour des Comptes, 2010.

DAVID BILHAUT

Source : Le Quotidien du Médecin: 8909