À l'heure où toute l'attention est captée par la pandémie de Covid-19, le dernier « Bulletin épidémiologique hebdomadaire » (BEH) sur la tuberculose aurait pu passer sous les radars.
Mais c'est sans compter le constat dressé par Santé publique France qui met en lumière les inégalités d'accès aux soins, qui sont aussi à l'œuvre pour l'infection à SARS-CoV-2. Les ONG et associations ont alerté très tôt sur le sort dramatique des sans-abri dans l'impossibilité de se confiner. Il y a quelques jours, l'INSEE indiquait une nette surmortalité en Seine-Saint-Denis depuis le début de l'épidémie Covid-19.
Car, si la tuberculose est en train de devenir une maladie rare en France avec 7,6 cas déclarés pour 100 000 habitants (soit 5 092 cas au total), « les données nationales cachent une situation hétérogène marquée par d'importantes disparités » à la fois géographiques et populationnelles, est-il souligné.
Les chiffres sur le BK parlent d'eux-mêmes : un taux national doublé en Île-de France (16,1/100 000), plus que triplé en Seine-Saint-Denis et en Guyane (respectivement 25,9 et 25,7/100 000). À Mayotte, le taux est augmenté de 50 % avec 11,5/100 000.
Les SDF, particulièrement touchés
Les caractéristiques de la tuberculose en France révèlent ainsi que l'infection touche en majorité des hommes (66 %), jeunes entre 20 et 39 ans (41 %) avec un âge médian de 38 ans, pour des formes à 70 % pulmonaires (associées ou non à d'autres localisations).
Et les populations les plus précaires sont les plus touchées : les personnes nées à l'étranger présentent un taux multiplié par 17 par rapport à celles nées en France (respectivement 40,1 et 2,4/100 000), et, à ce sujet, le surrisque concerne aussi les mineurs non accompagnés. Pire, pour les SDF, le taux atteint des sommets inégalés à 249/100 000, devant les détenus pourtant très exposés (76,0/100 000).
Cet état de fait, relativement récent, ne va pas de soi. La tuberculose a régulièrement diminué depuis le début du XIXe siècle. « Alors que la maladie était considérée en voie d'élimination, la fin des années 1980 a été marquée par une stabilisation, voire une augmentation des cas dans certains pays de l'Ouest et aux États-Unis », expliquent les éditorialistes, Alistair Story (University College Hospitals NHS Foundation Trust, Londres) et Delphine Antoine (SPF).
Cette inversion de tendance observée à l'époque est expliquée « par la détérioration des conditions de vie de certains groupes, l'impact de l'épidémie de sida, la baisse de vigilance et des moyens pour une maladie considérée en voie d'élimination, le développement des résistances aux antituberculeux et l'impact des migrations internationales », avancent-elles.
Des valeurs extrêmes en Seine-Saint-Denis
La tuberculose chez les personnes d'origine étrangère est en constante hausse avec une augmentation de 20 points en 10 ans, est-il rapporté. Les individus nés en Afrique sont les plus touchés (71 % dont 52 % d'Afrique subsaharienne et 19 % d'Afrique du Nord), devant les pays européens (13 %) ou l'Asie (12 %). Les personnes arrivées depuis moins de deux ans sont les plus concernées, le taux de déclaration diminuant avec l'allongement de l'ancienneté d'entrée en France. De la même façon, pour les SDF, le taux de déclaration est en augmentation depuis ces dernières années (182/100 000 en 2016, 219/100 000 en 2017, 249/100 000 en 2018).
Si le taux de pauvreté et l'incidence de la maladie sont étroitement corrélés au niveau national à toutes les échelles, la Seine-Saint-Denis se démarque des autres départements métropolitains par ses valeurs extrêmes. Au sein même du département, il apparaît que la carte des indicateurs de défavorisation sociale (personnes étrangères, conditions de vie difficiles) est superposable à celle de l'incidence de la maladie.
En Guyane, il est indiqué que la précarité, les conditions de logement, de transport et d'accès aux soins favorisent la transmission du bacille tuberculeux.
Que faire maintenant pour rattraper ces disparités de santé ? Les éditorialistes soulignent un premier écueil : alors que la tuberculose devient rare, « cela pose la question du risque de perte d'expertise et de savoir-faire chez les professionnels de santé ». Dans le même temps, la maladie est concentrée dans certains groupes de population, « chez qui la tuberculose n'est souvent qu'un des aspects des problèmes de santé auxquels ils doivent faire face », est-il rappelé.
Face à ce double constat, les éditorialistes plaident pour une approche intégrée en termes de prévention, de dépistage et de prise en charge. « L'approche classique par maladie qui a prévalu en santé publique montre ici ses limites et doit laisser place à une approche populationnelle centrée sur les besoins des populations les plus touchées », est-il proposé. Ainsi, l'expérience de l'équipe mobile du Samu social de Paris est une initiative qui mérite d'être relevée et suivie.
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