« UNE NOUVELLE forme de dangerosité serait l’expert sans expérience », met en garde l’Académie nationale de médecine dans un rapport réalisé en partenariat avec le Conseil national des compagnies d’experts de justice (CNCEJ).
Faute d’avoir été consultée sur la loi du 27 mars 2012 de programmation relative à l’exécution des peines, l’Académie nationale de médecine a engagé sa propre réflexion afin de proposer des pistes d’amélioration de la qualité de l’expertise médicale. Cette qualité est, en effet, menacée par ce texte de loi, votée en procédure d’urgence. Deux articles, rédigés dans le but de pallier le déficit en médecins psychiatres impliqués dans l’activité psycho-criminologique, sont contestables. Dans les expertises collégiales comprenant deux médecins psychiatres, l’article 8 prévoit que des psychiatres pourraient être remplacés par un expert psychologue formé à la psychopathologie. « Or, ce sont deux disciplines qui peuvent se compléter, mais non se substituer », indique l’Académie.
500 psychiatres actifs.
Par ailleurs, en vertu de l’article 9, les internes en psychiatrie pourraient assurer la prise en charge psychiatrique des personnes placées sous main de justice en contrepartie d’une allocation mensuelle jusqu’à la fin de leurs études, et, dès l’obtention de leur diplôme, pourraient demander leur inscription sur la liste d’experts près la cour d’appel. « L’évaluation de la dangerosité criminologique est l’une des missions les plus difficiles qui puisse être confiée à un médecin psychiatre expert de justice. Elle nécessite de sa part une grande compétence », fait savoir l’Académie qui met en avant un constat inquiétant. Environ 20 % des individus incarcérés souffrent d’un trouble psychiatrique. Plus des 2/3 des 200 00 personnes sous main de justice en milieu ouvert peuvent relever d’un suivi ou d’un avis psychiatrique. Face à cette situation, sur les 11 000 psychiatres en France, 700 à 800 sont impliqués dans cette branche criminologique de la psychiatrie, « dont 500 actifs ».
Qu’attend-on de l’expertise médicale ? Depuis 2005, un glissement s’est opéré : « Désormais, la mission de l’expert médical porte moins sur l’évaluation de la responsabilité que celle de la dangerosité : la question posée au médecin n’est plus celle d’un diagnostic mais d’un pronostic », explique l’Académie. Cet élargissement de la mission justifie de ne plus opposer l’approche clinique (subjective) à l’approche actuarielle ou psychométrique (objective). « Le débat opposant évaluation clinique et outils de prédiction des risques comportementaux (échelles actuarielles) n’a pas lieu d’être. Ces échelles n’améliorent pas la prévention ou la prédiction de la récidive mais elles sont utiles pour appuyer les conclusions de l’expert », précise l’Académie. Néanmoins, la prédiction médicale ne peut être « qu’un indicateur de susceptibilité à commettre tel ou tel acte ». Outre la définition d’une marge d’erreur, « la complexité de la clinique expertale en matière psychique et comportementale » nécessite de confronter plusieurs évaluations. L’Académie préconise la mise en place de commissions pluridisciplinaires définissant « l’usage possible des conclusions de l’expertise médicale pour le cas considéré, ces commissions pouvant, de surcroît, procéder à un recueil de données dans une base anonymisée, retour d’expérience utile à tous ». Plus largement, l’Académie propose l’élaboration d’un fichier national des expertises pour toute infraction pénale jugée qui permettrait à tout expert ultérieur de retrouver des informations sur l’intéressé.
Un tutorat de 3 ans.
La qualité de l’expertise passe par la formation. La création d’un DESC de psychiatrie médico-légale, ouvert aux titulaires du DES de psychiatrie, est « une nécessité urgente », juge l’Académie qui envisage parallèlement une modalité de tutorat (3 ans) pour la formation des futurs experts. La formation continue doit également être assurée tant au niveau des aspects cliniques et thérapeutiques qu’administratifs ou réglementaires. Enfin, pour améliorer le recrutement d’experts compétents, il faut revaloriser la pratique de l’expertise, par la rémunération mais également en facilitant l’accès aux informations concernant le sujet à expertiser et en aménageant les conditions de travail en milieu pénitentiaire.
Les rapporteurs de l’avis (Jacques Hureau, Jean-Pierre Olié et Jean-Claude Archambault) auront l’occasion de présenter leur plaidoyer le 12 décembre, à l’occasion d’une audition de la conférence de consensus installée par la ministre de la Justice, en septembre dernier, sur la question de la dangerosité et de la récidive.
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