L’EXIGENCE de la qualité et de la sécurité des soins dans les établissements de soins (ES) est « au centre des préoccupations », en particulier depuis l’ordonnance du 24 avril 1996 portant réforme de l’hospitalisation publique et privée, rappelle Jacques Hureau, chirurgien et rapporteur du groupe de travail de l’Académie de médecine sur le « signalement des événements indésirables en médecine ».
Pivot de la gestion des risques dans les ES, le signalement des événements indésirables (EI) par les acteurs médicaux nécessiterait donc d’être systématique. La Haute Autorité de santé (HAS) en a d’ailleurs fait l’un des critères de base de l’accréditation de la qualité de la pratique professionnelle des médecins et des équipes médicales. Ces signalements sont aussi devenus une obligation dans les processus de certification des ES. Pourtant, et malgré le fait que les signalements sont effectués en principe sous un double anonymat - « celui de qui signale et celui du dossier du patient concerné par l’événement indésirable ou l’erreur » -, les résultats des systèmes de signalement par les acteurs médicaux « sont globalement décevants ». Il y a d’une part, une « sous-déclaration massive : l’ensemble de la littérature internationale en fait foi », note le Pr Jacques Hureau. Il y a ensuite une « définition trop floue des notions d’erreur ou d’événement indésirable grave ». Et, « point essentiel », le contexte juridique est trop instable. Le chirurgien souligne que ce constat avait déjà été fait par Georges David et Claude Sureau en 2006, puis par Denys Pellerin en 2008.
Le retour d’expérience sacrifié.
Le « couvert de l’anonymat » est mis en doute. Ainsi, explique le Pr Hureau, le caractère obligatoire du signalement est mal compris s’il ne s’accompagne pas d’une mesure de protection. Le signalement est également perçu comme une « délation » vis-à-vis d’un collègue ou un propre « aveu de faute ». En outre, la victime de l’EI peut, « même en l’absence de conséquences dommageables, en arguer pour introduire une réclamation qui peut aller jusqu’à la judiciarisation », indique le chirurgien. Selon lui, la loi du 4 mars 2002, en obligeant à une transparence totale, « stérilise l’utilisation de l’erreur comme élément de progrès médical grâce au retour de l’expérience ». La sous-déclaration n’est pas non plus sans conséquence sur la fiabilité des statistiques et des publications scientifiques en morbi-mortalité.
Pourquoi le système du signalement des EI n’est-il pas entouré d’une sécurisation juridique alors que, par exemple, le droit du travail prévoit l’interdiction de toute sanction contre les salariés qui ont signalé des situations dangereuses ? Le code de commerce aussi énonce le principe d’irresponsabilité du commissaire aux comptes ayant révélé des faits délictueux. « Il n’y a pas, en France, de protection semblable pour la médecine dans le code de la santé publique ». Aux États-Unis, il existe, depuis 2005, un texte fédéral concernant la protection juridique interdisant que les signalements volontaires puissent faire l’objet d’actions en justice.
L’Académie souhaite donc qu’un texte législatif, inséré dans le code de la santé publique, assure la protection juridique des professionnels de santé « qui s’engagent de bonne foi dans la démarche du signalement des événements indésirables à laquelle ils sont d’ailleurs tenus par les textes réglementaires et ce, dans le respect des droits des malades ». Sa démarche ne saurait être interprétée comme une « déresponsabilisation de l’acteur de soins », précise le Pr Hureau. L’Académie recommande que « toute personne, impliquée ou non, qui, de par sa fonction, informe de la survenue d’un événement indésirable dans le déroulement et les conditions des soins donnés à un patient, (...) ne puisse faire l’objet d’aucune sanction disciplinaire ou mise en cause juridictionnelle du fait de ce signalement, hormis les cas de manquement délibéré ou répété de sa part aux règles de sécurité ou bien de dénonciation sans fondement animée par la seule intention de nuire ».
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