EN MONTANT à bord du Mari Marmara et en y tuant neuf personnes, Israël a certainement commis un acte irréparable qui lui aliéné la Turquie. Huit des neuf victimes étaient turques et le comportement d’Israël est apparu aux yeux des Turcs comme une confirmation de ce qu’ils ne cessaient de dénoncer, la politique de force exercée par l’État juif contre tous ceux qui lui expriment leur hostilité, au lieu de pratiquer la détente par les compromis. Mais le très grave incident du Mari Marmara n’est pas la cause de la brouille israélo-turque, il en est l’effet. Le gouvernement turc pouvait empêcher l’organisation de la résistance sur le navire, il ne l’a pas souhaité. C’est l’aboutissement tragique d’une tension croissante entre Ankara et Jérusalem, dont on peut situer le début à la guerre de Gaza, fin 2008-début 2009. Rencontrant le président israélien Shimon Peres à Davos, le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, lui a envoyé une volée de bois vert qui n’avait rien à voir avec la diplomatie. Il affirmait n’avoir de souci, dans sa sévère critique d’Israël, que pour le sort des malheureux Palestiniens broyés par la guerre.
Renversement d’alliance.
Mais déjà, lors de l’invasion de l’Irak par les forces de George W. Bush en 2003, la Turquie avait refusé l’accès de ses ports aux navires qui transportaient le corps expéditionnaire américain. Ankara avait commencé à amorcer un renversement d’alliance qui diminuait la force de ses liens avec l’OTAN. Dans ce cas aussi, personne ne niera que les Turcs avaient un bon argument pour s’opposer à une aventure que presque tous les pays du monde jugeaient dangereuse et immorale. Après 2003, la Turquie, qui réclamait son adhésion à l’Union européenne, a rencontré une vive résistance. Les Européens qui lui niaient souvent son appartenance au continent et lui rappelaient qu’elle était de religion musulmane, ont pratiquement tout fait pour la décourager. Les Turcs en ont tiré la leçon. Officiellement, ils sont toujours candidats à leur entrée dans l’Union, mais en se tournant vers le monde arabo-musulman, ils sont allés dans la direction que les Européens eux-mêmes leur indiquaient : en tant que musulmans, ils ne pouvaient que se rapprocher du monde islamique et il n’y a pas de meilleure manière d’affirmer cette appartenance religieuse que de basculer dans l’hostilité à Israël. Leur brusque changement d’attitude à l’égard des Israéliens, avec lesquels il y a très peu de temps encore, ils procédaient à des manœuvres militaires conjointes, leur a d’ailleurs valu les applaudissements enthousiastes du monde arabe.
ISLAM ET NATIONALISME FORMENT LA NOUVELLE DIPLOMATIE TURQUE
Avec une économie à forte croissance, une population nombreuse et une position géographique enviable, la Turquie, sous la direction de son président Abdullah Gür, de son Premier ministre Erdogan et d’un ministre des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu, qui déteste Israël, la Turquie, blessée par ses tractations interminables avec l’Europe, peu enthousiasmée par Barack Obama, et maintenant vouée à combattre Israël, pratique la diplomatie du fait accompli. Beaucoup admirent ses initiatives ; mais elles tradusient surtout la victoire des forces islamiques sur le camp kémaliste et laïc et la montée de l’antisémitisme dans le pays. L’accord conclu par M. Erdogan et par le Brésilien Lula avec Ahmadinejad pour un contrôle partiel de l’enrichissement nucléaire en Iran semble indiquer que la diplomatie turque n’est pas encore mûre. Cet accord, en effet, n’a pas empêché l’Iran d’annoncer la construction d’une nouvelle centrale d’enrichissement, au lendemain de l’adoption, par le Conseil de sécurité de l’ONU, de nouvelles sanctions contre ce pays. En réalité personne ne croit que M. Erdogan et le président Lula soient en mesure de protéger le monde contre l’aventurisme iranien.
Et les Kurdes ?
Enfin, si l’incident du Mari Marmara justifie la sévérité de la Turquie à l’égard d’Israël, sa compassion à l’égard des Palestiniens est suspecte. On ne peut donner des leçons que si l’on est soi-même irréprochable. Or la Turquie traite le séparatisme kurde avec une violence qui n’a rien à envier à celle d’Israël. Il n’y a pas si longtemps, l’armée turque, usant du droit de suite mais violant du même coup les règles onusiennes, est allée chercher les dissidents turcs en Irak. Le gouvernement d’Ankara (à la demande l’Europe) fait certes beaucoup d’efforts pour assimiler sa population kurde. Il ne peut pas encore prétendre qu’il n’use plus de la force. Le sort des Palestiniens mérite à n’en pas douter l’attention du monde. Le sort des Kurdes ne doit pas être négligé pour autant. Ils vivent en Turquie, en Irak, en Syrie, en Iran et n’ont pas toujours d’État. Des quatre capitales, Ankara, Damas, Téhéran et Bagdad ( les Kurdes irakiens ont maintenant leur région autonome), trois au mopins s’entendent comme larrons en foire pour dénoncer la tragédie palestinienne, comme pour ne pas avoir à dire ce qu’elles entendent faire au sujet des Kurdes.
Dans la cholécystite, la chirurgie reste préférable chez les sujets âgés
Escmid 2025: de nouvelles options dans l’arsenal contre la gonorrhée et le Staphylococcus aureus
Yannick Neuder lance un plan de lutte contre la désinformation en santé
Dès 60 ans, la perte de l’odorat est associée à une hausse de la mortalité