FRÉQUEMMENT critiqué à la suite de faits-divers dramatiques, le dispositif médico-légal d’injonction de soins et de suivi des délinquants sexuels reste aujourd’hui mal connu, faute de statistiques suffisantes. Une mission menée conjointement par l’inspection générale des Affaires sociales (IGAS) et son homologue des Services judiciaires (IGSJ) chiffre à environ 3 800 le nombre d’injonctions de soins en cours d’exécution en France. Selon un recensement effectué par la mission auprès des tribunaux de grande instance (TGI), 10 % d’entre elles concernent des crimes et délits autres que sexuels (violences sur les personnes, violences intrafamiliales…). La durée moyenne des peines de suivi socio-judiciaire incluant l’injonction de soins est de 5,8 ans, 80 % sont exécutées après une peine d’emprisonnement.
Rappelant que la prise en charge des délinquants sexuels débute en détention, la mission note qu’un tiers des auteurs de violence sexuelle est accueilli dans l’un des 22 établissements pénitentiaires spécialement conçus pour proposer des soins adaptés à ce type de personne. « Si les équipes soignantes de ces établissements ont été renforcées, cette augmentation masque de notables disparités », relève le rapport. En juillet 2010, ces 22 établissements assurant un suivi médical et psychologique adapté ne comptaient que 42 % de détenus condamnés à une injonction de soins.
« On sait que la récidive intervient souvent dans les mois qui suivent la sortie de prison et il est donc crucial que le suivi socio-judiciaire et l’injonction de soins soient effectifs dans les jours qui suivent, ce qui n’est pas toujours le cas », considère la mission, qui met en cause un manque de coordination récurrent entre les différents acteurs du dispositif (juge de l’application des peines, agent de probation, d’insertion, médecins coordonnateur et traitant).
Au niveau judiciaire, « la mise en place de l’injonction de soins n’a été accompagnée d’aucun moyen supplémentaire », remarque la mission. S’agissant des médecins coordonnateurs – essentiellement psychiatres –, le rapport met en exergue leur inégale répartition sur le territoire. Si, globalement, le nombre de ces professionnels (220) apparaît suffisant au regard des 3 800 personnes à suivre, 16 départements et 32 tribunaux de grande instance en sont totalement dépourvus. Les conséquences de ce déficit démographique sont réelles : certains magistrats se retrouvent contraints à mettre en attente certains dossiers, voire même renoncent à prononcer une mesure d’injonction de soins. En matière de structures de prise en charge, l’accès aux centres médico-psychologiques (CMP) pour les auteurs de violence sexuelle « n’est pas toujours facile », note le rapport. Quant aux centres de ressources régionaux pour la prise en charge des auteurs de violence sexuelle (CRAVS), ils sont loin d’avoir tous lancé « une politique dynamique d’appui aux médecins coordonnateurs ».
61 recommandations.
Afin d’améliorer l’opérabilité du système de suivi socio-judiciaire et d’injonction de soins des délinquants sexuels et/ou violents, la mission IGAS-IGSJ propose aux ministères de la Santé et de la Justice pas moins de 61 mesures. Parmi lesquelles le recrutement de 100 médecins coordonnateurs supplémentaires, la suppression du plafonnement du nombre de cas suivis par le médecin coordonnateur (actuellement limité à 20) et la possibilité de désigner, dans cette fonction, « un médecin ayant expertisé le condamné au cours de la procédure judiciaire ». L’élaboration de protocoles permettrait par ailleurs de clarifier les rôles entre médecin coordonnateur, juge, agent de probation et praticien traitant. La mission appelle à développer les outils statistiques autour de ce dispositif, pour « adapter les moyens nécessaires à la mise en œuvre de l’injonction de soins ». Elle recommande également de « faire évaluer par la Haute Autorité de santé (HAS) les résultats des différentes thérapeutiques appliquées vis-à-vis des auteurs de violence sexuelle ».
* Le rapport IGAS-IGSJ sur « l’évaluation du dispositif de l’injonction de soins » est téléchargeable sur www.ladocumentationfrancaise.fr
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