Le manque de cohésion des États de l’UE dans la réponse à la crise du Covid pointé par la directrice de l’ECDC

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Publié le 10/09/2020
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Auditionnée par le Sénat, la directrice du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC), la Dr Andrea Ammon a déploré le manque de cohésion des États membres de l’UE au début de la crise sanitaire et a appelé à la mise en place d’un « mandat plus fort » de son organisation.

Interrogée le 9 septembre dans le cadre de la commission d’enquête pour « l'évaluation des politiques publiques face aux grandes pandémies à la lumière de la crise sanitaire de la Covid-19 et de sa gestion », la Dr Andrea Ammon a d’abord rappelé que, dès début janvier et l’apparition des premiers cas en Europe, un protocole de surveillance avait été mis en place. Le 17 janvier, les États membres recevaient la première évaluation des risques de l’ECDC, dont « onze mises à jour ont été réalisées depuis » suivant l’évolution des connaissances scientifiques.

Une prise de conscience tardive de la nécessaire coopération

« Nous avons conseillé les États en termes de tests, de recherche des cas contacts et sur la manière dont les professionnels de santé, en particulier ceux qui étaient en première ligne, pouvaient gérer cette crise sanitaire », a détaillé la directrice de l’ECDC, avant de rappeler que c’est « aux États membres d’apporter leurs propres réponses : c’est à eux de décider d’utiliser nos recommandations ou non ».

En février, plusieurs scénarios ont été diffusés aux États membres dans lesquels « nous avions décrit les mesures qui devaient être prises selon les scénarios, explique la Dr Andrea Ammon. Cela a pris un peu de temps pour que les pays identifient dans quels scénarios ils se trouvaient ». Selon elle, le décalage entre les recommandations de l’ECDC et la mise en place de mesures « n’a rien de spécifique à la France, ni même au coronavirus. Cela fait 25 ans que je travaille sur les maladies infectieuses et c’est le cas à chaque fois ».

Elle n’en a pas moins regretté le manque de cohésion des États et leur prise de conscience tardive d’une nécessaire collaboration. « Nous ne pouvons que proposer des options aux États », et cela « ne permet pas un alignement dans la gestion de la pandémie ». Les approches divergentes au sein de l’UE ont pu être problématiques : « on a notamment comparé des chiffres qui venaient de différents systèmes de tests », a-t-elle observé.

Ces réponses non coordonnées entre États européens ont impacté jusqu’à la recherche. « Au début, il y a eu une forme de concurrence entre les essais cliniques. L’effet a été que la plupart se sont révélés de trop faible ampleur pour apporter des résultats probants », note-t-elle, évoquant notamment l’essai Discovery, lancé par l’INSERM.

Réagir plus vite en cas de 2e vague

Interrogée par les sénateurs sur la perspective d’une deuxième vague, la Dr Andrea Ammon constate une augmentation des cas « depuis 6 ou 7 semaines » dans la plupart des pays du continent. « Ce sont surtout des jeunes qui sont contaminés. Mais, dans quelques pays, des personnes plus âgées sont tout de même touchées », indique-t-elle, espérant que les États « réagissent plus tôt » avec des mesures « régionalisées ».

« Je pense qu’il y aura ces hauts et ces bas jusqu’à ce qu’il y ait un vaccin », a-t-elle poursuivi, estimant que seulement 5 à 10 % de la population européenne était immunisée et que les mesures devaient « être maintenues ».

À propos des hôpitaux, « des maillons essentiels », la directrice de l’ECDC a jugé important d’avoir la capacité d’augmenter rapidement le nombre de lits et de professionnels de santé disponibles : « Certains pays ont libéré des lits en reportant les opérations non essentielles ou en montant des hôpitaux de campagne. Il faut être prêt à le refaire dans les mois qui viennent », a-t-elle averti.

À l’avenir, la directrice de l’ECDC en appelle à une plus grande cohésion au sein de l’UE. « J’appelle de mes vœux un mandat plus fort », a-t-elle insisté, plaidant pour un plan européen « qui soit lié aux programmes des États membres pour plus de cohérence et de cohésion ». Une première étape a été franchie en juillet, selon elle, avec la signature d’un accord pour le développement de solutions numériques destinées à harmoniser la transmission d’informations.


Source : lequotidiendumedecin.fr