Dans une lettre adressée le 25 octobre au gouvernement, l'ONG Générations futures s'inquiète des conséquences « environnementales et sanitaires inacceptables » du report de la révision du règlement européen Reach encadrant l'utilisation des substances chimiques. Ce report donne en effet un coup de frein à l'ambition de la Commission européenne d’éliminer d’ici à 2030 les produits les plus dangereux pour la santé et l’environnement dans les biens de grande consommation.
Annoncé en avril dernier, ce projet, inscrit dans le cadre du Pacte vert européen et dans l’ambition « zéro pollution », avait été salué par les acteurs de la santé publique et les ONG. Alors qu' Eurostat estime à environ 300 millions de tonnes la production annuelle de substances chimiques par l’industrie dans l’Union européenne (UE), leur utilisation est encadrée depuis 2006 par le règlement Reach (pour Registration, Evaluation, Authorization and restriction of Chemicals). Dans le projet de révision, plusieurs évolutions sont envisagées. Il s’agit d’abord de permettre une évaluation par familles de substances, plutôt que substance par substance.
Vers l'interdiction de familles dans leur ensemble
Dans le cas des bisphénols, « seul le A est actuellement encadré, mais ses substituts sont d’autres bisphénols tout autant perturbateurs endocriniens », explique au « Quotidien » le Dr Pierre Souvet, cardiologue et président de l'Association Santé Environnement France (Asef). Pour les PFAS perfluorés, qui regroupent 4 800 substances, « on ne sera plus obligé de s’attaquer à chaque molécule individuellement pour les voir disparaître du marché du fait de leur dangerosité pour l’environnement (très grande persistance notamment) et pour la santé, mais ce sera l’ensemble de la famille qui sera concerné par cette interdiction », ajoute l’ONG Générations futures, dans un communiqué.
Autre évolution attendue, les industriels pourraient être contraints de fournir des données sur les éventuelles propriétés endocriniennes de leurs produits. Pour l’heure, « les dossiers d’homologation des industriels sont pauvres sur le sujet et les évaluations ne prennent pas en compte les signaux d’alerte d’une perturbation de l’axe thyroïdien », souligne auprès du « Quotidien » le Dr Pierre-Michel Périnaud, généraliste et président de l’association Alerte des médecins sur les pesticides. Si les perturbateurs endocriniens sont bien enregistrés, « ils ne sont pas encore classifiés, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas notifiés selon le niveau de risque (probable, possible) comme c’est le cas pour les substances cancérigènes », indique au « Quotidien » la Dr Véronique Trillet-Lenoir, eurodéputée.
La révision ouvre également la voie à « une prise en compte des effets cocktail et à une intégration des nanomatériaux et des polymères », complète l’eurodéputée. Cette évolution de Reach doit également s’accompagner d'une hausse des moyens attribués à l’Agence européenne des produits chimiques (Echa), chargée d’évaluer la dangerosité des actifs chimiques. « L’agence souffre d’un manque de ressources humaines pour traiter le très grand nombre de demandes d’enregistrement, alors que 65 000 substances sont concernées chaque année », poursuit la Dr Véronique Trillet-Lenoir, soulignant qu’une évaluation par catégorie de substances apporterait de la « fluidité ».
Inquiétudes quant au devenir de la révision
Au vu des enjeux, les réactions sont vives. Pour Générations futures, « le report de cette réforme est dramatique d’un point de vue sanitaire car avec les échéances électorales de 2024 (élection des eurodéputés), c’est tout le dispositif qui pourrait être remis en cause ! ».
Ce report est d’autant plus « dommageable », ajoute la Dr Trillet-Lenoir, que les procédures européennes sont longues : « Les propositions de la Commission sont examinées indépendamment par le Conseil et le Parlement. Un compromis est ensuite négocié en trilogue [Commission, Parlement, Conseil, NDLR], avant la publication d’une directive, suivie de transpositions nationales », détaille l’eurodéputée.
Selon elle, s’il est nécessaire de « booster l’innovation pour trouver des alternatives moins polluantes et moins dangereuses » aux substances les plus dangereuses, il est regrettable de reporter cette avancée avec l’argument de la crise actuelle, « alors que cette révision vise à préparer l’avenir », estime-t-elle. « Le Pacte vert et l’ambition "zéro pollution" sont des briques majeures du Plan européen contre le cancer », insiste-t-elle.
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