C’EST L’AFFAIRE D’OUTREAU et ses terribles erreurs judiciaires imputables à un juge d’instruction incapable de croire à l’innocence des personnes mises en examen qui ont conduit les pouvoirs publics à confier au parquet la quasi totalité des instructions. L’émotion générale, au moment du procès d’Outreau, avait incité l’opinion à exiger une réforme. On décèle donc une contradiction entre la suite logique que le gouvernement souhaite donner à Outreau, avec la certitude qu’elle donnera satisfaction aux Français, et la méfiance de l’opinion à l’égard de la réforme qu’il propose. Cette méfiance, toutefois, est motivée par la nature même du parquet qui en aucune circonstance n’est indépendant du pouvoir; ce qui crée le soupçon d’une justice aux ordres.
Une question qui a trait à l’exercice de la démocratie.
Michèle Alliot-Marie est un ministre remarquable qui a déjà fait ses preuves à la Défense et à l’Intérieur. La procédure réformiste de Mme Dati bousculait sans égard la magistrature et les avocats ; l’ancienne ministre de la Justice a atteint ses objectifs au bout d’une course folle qui a épuisé ses interlocuteurs et figé sa propre carrière politique. Mme Alliot-Marie ne court pas ce risque, qui consulte toutes les parties concernées et se donne le temps de faire comprendre sa réforme, sans céder sur ses axes principaux. Toutefois, à ce jour, elle n’a pas été en mesure d’offrir une solution à tous ceux, et ils sont nombreux, qui posent la grave question de l’indépendance des juges. Tout au plus indique-t-elle que la réforme du parquet sera traitée ultérieurement. L’incertitude est de taille, dès lors que, guidée par l’idée que la présomption d’innocence ne doit plus être bafouée, par un juge d’instruction dont le pouvoir est sans limites, elle propose un projet susceptible de remplacer l’autoritarisme du juge par celui du gouvernement en place. Il ne s’agit pas d’un sujet mineur. Il touche à l’exercice de la démocratie.
Le chef de l’État a prouvé en plusieurs circonstances qu’il a le souci des victimes. Ce sont elles qu’il veut protéger en priorité. Il est convaincu que, en supprimant le juge d’instruction, il met les innocents à l’abri d’un effet délétère, toujours possible, du fonctionnement de l’appareil judiciaire.
UNE BONNE RÉFORME DOIT GARANTIR LES DROITS INALIÉNIABLES DU CITOYEN
Son intention n’est donc pas critiquable. C’est la solution proposée dans la réforme qui pourrait aboutir à l’effet inverse de celui que recherche le pouvoir. Lequel a aussi des arrière-pensées, par exemple dans le domaine du délai de prescription, qu’il entend réduire sous le prétexte d’administrer une justice plus rapide et plus saine mais qui risque de favoriser les personnes compromises dans des affaires de corruption et d’évasion fiscale.
Sévérité et respect.
Dura lex, sed lex ? Toute réforme judiciaire est prise dans un étau constitué par le désir d’augmenter la sévérité envers les coupables et celui de traiter les innocents avec un minimum de respect. Encore faut-
il que le juge voie clair : la confusion entre les premiers et les seconds est plus fréquente que ce qui les distingue à première vue. La preuve que la justice n’est rien d’autre que l’exploration difficile d’un tunnel obscur où l’on perçoit le premier rayon de lumière au bout d’une longue errance est fournie par la lancinante question de la garde à vue. Le nombre des gardes à vue a dépassé les 800 000 l’année dernière, dont 300 000 pour des délits routiers ou des larcins. Cette fréquence a fait bondir l’opinion, qui raisonne par analogie, chaque individu comprenant qu’il est exposé à une garde à vue, même s’il s’efforce, minutieusement et quotidiennement, d’être en règle avec la loi. Juges et policiers partagent pourtant la même évaluation positive de la garde à vue, bien qu’elle soit une épreuve et une humiliation pour celui qui la subit, souvent sans la mériter. C’est une façon de mettre un suspect au réfrigérateur, de le priver de toute communication avec l’extérieur et, grâce à la fouille au corps, de l’empêcher de commettre un geste irréparable. C’est aussi une expérience affreusement éprouvante puisque les cellules de garde à vue sont putrides pour la plupart et qu’une personne qui n’a pas fait de mal peut se retrouver coupée du monde, livrée à une procédure qui, en fait, la prive de tous ses droits pendant plusieurs heures et jusqu’à 24 heures.
Avec un parquet qui serait aux ordres, des conduites sécuritaires capables d’oblitérer les droits de la personne et ces brutalités policières dont on lit le récit de temps en temps dans les journaux, les Français discernent vaguement la silhouette de l’État policier, et s’en indignent. La meilleure réforme sera celle qui lèvera le doute sur les intentions du pouvoir politique et apportera aux citoyens des garanties au sujet de leurs libertés.
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation