La Russie est, derrière l’Afrique du Sud et le Nigeria, le troisième pays au monde en termes de nouvelles infections VIH. En 2020, le pays enregistrait 71 porteurs du virus pour 100 000 personnes ; par comparaison, cet indicateur était de 3,2 en Europe centrale.
Par ailleurs, en Russie, on continue à mourir du sida : 87 personnes en meurent chaque jour. L'année 2019 totalise 20 088 décès selon l'Agence fédérale de lutte contre le sida. Le VIH constitue une des premières causes de mortalité parmi les couches actives de la population devant les accidents de la route (n = 13 365) et les suicides (n = 17 192) .
En 2019, selon la ministre de la Santé de l’époque Veronika Skvortsova, la Fédération de Russie comptait près de 1,5 million de cas officiellement recensés et environ 500 000 qui forment ce qu’on appelle pudiquement « l’épidémie cachée », à savoir les personnes qui vivent avec le virus sans le savoir.
Une prévention quasi-inexistante
La Russie doit faire face à une inquiétante progression de la séropositivité en dehors des catégories à risque. Au début des années 2000, le VIH/sida était un fléau limité à certaines catégories de personnes à risque : 70 % des personnes infectées étaient des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, des prostituées ou des consommateurs de drogues injectables. En 2020, un rapport de l’Agence fédérale de lutte contre le sida fait état de 50 % d’hétérosexuels parmi les nouveaux cas recensés. Il s’agit d’hommes d’âge mûr contaminés dans les années 1990 et qui vivent depuis lors avec la maladie. On souligne également des cas de plus en plus fréquents de transmission de la mère à l’enfant.
La politique sanitaire est en effet déficiente en matière de traitement, mais aussi de prévention : absence de gratuité des préservatifs, de distribution de seringues et de traitements de substitution. Un conservatisme social nourri de méfiance envers un Occident ressenti comme décadent.
Pour les autorités russes, la santé n’est pas une priorité. Si les hôpitaux de Moscou, de Saint-Pétersbourg et de quelques autres grandes villes ont un équipement relativement moderne, les petites villes de province fonctionnent avec des équipements vétustes comme le montre la crise du Covid. Rien d’étonnant à cette situation ; le pays de 146 millions d’habitants consacre environ 5 % de son PIB aux dépenses de santé contre 11 % en France.
En 2017, la Fédération de Russie a adhéré au programme de l’Organisation des Nations unies (ONU) pour la lutte contre le sida, mais à l'heure actuelle, seulement la moitié des personnes diagnostiquées séropositives bénéficient d’un traitement antirétroviral, selon Vadim Pokrovski, chef du centre fédéral scientifique et méthodologique pour les maladies infectieuses.
Drogues injectables, une politique rétrograde
« Sur le volet de la drogue, la Russie n’a pas changé, elle s’est même crispée », expliquait le Dr Michel Kazatchkine, envoyé spécial de l’ONU pour la lutte contre le sida. La Russie continue à pratiquer des cures de désintoxication parfois musclées… Depuis 1997, les substituts sont interdits en Russie, leur prescription et utilisation passibles d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à 20 ans derrière les barreaux.
En 2015, dans un mémorandum adressé à la Cour européenne des droits de l’Homme, les autorités russes exprimaient leurs craintes que l’utilisation des substituts ne crée de nouvelles dépendances « qui pourraient conduire les utilisateurs à basculer dans des activités criminelles dirigées contre l‘État et les organes de pouvoir ». Et de conclure : « la thérapie de substitution alimenterait la circulation de drogue et la corruption dans les établissements hospitaliers ».
Quant au programme d’échange des seringues, il ne bénéficie d’aucune subvention de l'État, et les associations comme « Navigator » qui continuent discrètement leur mission ont une capacité d’action de plus en plus réduite et risquent à tout moment de se retrouver sur la liste des « agents de l'étranger » (personnes physiques ou morales accusées de servir les intérêts de pays étrangers en échange de fonds).
Les autorités et des représentants de l’église orthodoxe n’hésitent pas à affirmer « que la prescription de méthadone est semblable à la tolérance vis-à-vis de l’homosexualité » et même parfois que « le sida est une punition divine ».
Certes, le film documentaire du journaliste et blogueur Iouri Doud (agent de l’étranger) visionné 12,5 millions de fois en cinq jours a provoqué un éveil des consciences dans une partie de la population. Reste que les Russes sont encore bien loin du constat que le VIH est, somme toute, une maladie infectieuse comme une autre.
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