« LA SITUATION actuelle en prison correspond... à celle des années 1980, où, en France, le refus de toute politique de réduction des risques a contribué à la contamination de milliers d’usagers de drogues », s’émeut le TRT-5. Le collectif, qui regroupe neuf associations de lutte contre le VIH/sida, a été associé à la mise en œuvre des études PREVACAR (estimation de la prévalence virale et de l’offre de soins en milieu carcéral) et PRI2DE (accès aux mesures de prévention et réduction des risques infectieux en milieu pénitentiaire). La première conduite par la direction générale de la Santé (DGS) et l’Institut de veille sanitaire (InVS) visait à estimer la prévalence de l’infection par le VIH, le VHC et des traitements substitutifs aux opiacées (méthadone ou BHD). La seconde, réalisée par l’ANRS (Agence nationale de recherches sur le sida) sous la responsabilité du Dr Laurent Michel (hôpital Émile-Roux, Limeil-Brevannes), évaluait la disponibilité et l’accessibilité des mesures de réduction des risques infectieux officiellement préconisées en France en milieu pénitentiaire.
VIH x 4 et VHC x 8.
« Ces études confirment les constats faits par les acteurs de terrain depuis plus de 15 ans et par nombre d’experts nationaux et internationaux, dont ceux de l’organisation mondiale de la santé », soulignent les associations : une prévalence du VIH en prison 2 à 4 fois supérieure à celle de la population générale, celle de l’hépatite C de 5 à 8 fois. De plus, notent les associations, « l’existence de pratiques à risques liées à l’injection de drogues par voie intraveineuse (est) désormais scientifiquement prouvée ».
« Ces résultats alarmants doivent être officiellement publiés dans les plus brefs délais et doivent servir de fondement à la mise en place rapide de programmes d’échanges de seringues en milieu carcéral », explique le TRT-5.
En juin dernier, à l’occasion de la publication de résultats de l’étude PRI2DE* dans la revue « BMC Public Health », une revue en accès libre sur Internet, le Dr Laurent Michel avait déjà donné l’alerte, plaidant pour une « réelle politique » de prévention. L’étude a été réalisée auprès de 103 établissements, accueillant 43 365 détenus, soit 69 % de la population carcérale. L’étude, la première de ce genre en France, conclut « qu’une réforme des politiques de prévention du VIH et des politiques de réduction des risques est une priorité mais qu’elle doit être intégrée dans une refonte plus large des politiques de santé visant à améliorer l’état de santé et la qualité de vie des détenus en France ». L’étude montre, par exemple, que dans 47 % des établissements, les détenus ne sont pas informés de la possibilité d’avoir recours à un traitement après une exposition à risque pour le VIH et dans 31 % des cas, les médecins ne sont pas en mesure de répondre à la question. En revanche, la plupart des établissements proposent un dépistage systématique du VIH et des hépatites B et C (91 %, 90 % et 89 %), mais la restitution de résultats négatifs n’est pas toujours réalisée.
Pas assez de préservatifs féminins.
Les préservatifs masculins sont accessibles dans 95 % des établissements, ce qui n’est pas le cas des préservatifs féminins, disponibles dans 21 % des prisons détenant des femmes. Quant aux traitements de substitution aux opiacés, seulement 9 % des détenus en bénéficiaient (3 % pour la méthadone, 6 % pour la buprénorphine haut dosage). Seulement 27 % des prisons adhèrent complètement aux recommandations nationales d’accès aux traitements substitutifs telles que les définit une circulaire de décembre 1996, des recommandations qui sont en deçà des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé.
Le TRT-5, pour sa part, rappelle les dispositions de la loi du 18 janvier 1994 qui « impose l’égalité de la prise en charge sanitaire entre le milieu libre et le milieu carcéral ». À ce titre, le collectif demande la mise en place de mesures urgentes, dont les programmes d’échanges de seringues, qui ont montré leur efficacité en milieu libre, en France, et en milieu carcéral, à l’étranger.
La publication officielle de l’étude PREVACAR devrait permettre, selon Caroline Gasiglia, infirmière de santé publique, coordinatrice du groupe de travail sur la thématique prison pour le TRT-5, « d’accélérer la mise en œuvre de ces mesures ». Membre du comité de pilotage des deux études, elle assure, au vu des résultats qui lui ont déjà été restitués et compte tenu des objectifs des deux études, qu’« une lecture croisée est indispensable ».
* Une publication est également prévue dans le « Bulletin épidémiologique hebdomadaire » du 25 octobre.
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