Le bras de fer engagé avec le gouvernement est mal engagé mais le Syndicat national des ophtalmologistes de France (SNOF) ne baisse pas les bras. Le projet de loi sur la croissance, l’activité et l’égalité des chances (dite « loi Macron »), qui sera examiné à partir de mardi en seconde lecture à l’Assemblée, pourrait révolutionner l’organisation de la filière visuelle.
La semaine dernière, une « commission spéciale », composée de parlementaires de tous bords politiques, a confirmé la suppression de l’obligation d’ordonnance pour les lunettes. La délivrance de verres correcteurs est jusqu’à présent « subordonnée à l’existence d’une prescription médicale en cours de validité », qui conditionne « la durée de validité des ordonnances », précise le code de santé publique.
Effective depuis 1945, cette obligation de prescription pour les patients de moins de 16 ans a été étendue en 2014 à toute la population dans le cadre de la loi Hamon sur la consommation. Pire : la commission spéciale a supprimé toute mention relative à une « durée maximum de validité » pour les ordonnances – elle est aujourd’hui de trois ans.
Incohérence parlementaire
Ces dispositions sont vécues par les ophtalmologistes comme « le coup de grâce au système de santé oculaire ».
« S’il n’y a plus d’ordonnances, cela va créer une situation compliquée. Les patients n’auront plus de références entre les acteurs de la vision », explique au « Quotidien » le Dr Thierry Bour, président du SNOF. « Si la loi Macron passe en l’état, c’est la fin de la prévention oculaire, poursuit-il. La plupart des glaucomes ne seront plus dépistés à temps et les opticiens pourront prescrire des lunettes à un enfant de 5 ans n’ayant jamais vu d’ophtalmo ».
Les ophtalmologistes s’étonnent de l’« incohérence » parlementaire qui veut qu’« on parle de santé publique dans une loi sur la croissance ». Ils réclament le rétablissement de l’obligation d’ordonnance pour la délivrance de lunettes et souhaitent que l’avenir de la filière visuelle soit discuté dans le projet de loi de santé examiné en septembre au Sénat. À leurs yeux, ce délai serait d’autant plus bienvenu qu’un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) consacré aux missions des différents acteurs de la filière visuelle, ophtalmos, orthoptistes et opticiens, a été confié à Dominique Voynet et doit être rendu à la fin du mois. L’IGAS devrait proposer des pistes pour réduire les délais de rendez-vous en ophtalmologie qui selon une récente enquête du SNOF avoisinent en moyenne 100 jours et peuvent atteindre un an dans certains départements. « Les dates entre les lectures et la publication du rapport sont proches, la logique voudrait qu’on attende les conclusions de l’IGAS », analyse le Dr Bour.
Démédicalisation de la filière
Les opticiens sont également inquiets des conséquences potentielles de la loi Macron sur leur activité de prescription-vente. Surtout, ils redoutent d’être « pieds et poings liés face aux réseaux des complémentaires santé ». La Fédération nationale des opticiens (FNOF) demande que l’obligation de prescription demeure pour les enfants. « Il est inconcevable qu’on puisse fournir des verres correcteurs et équipements d’optiques pour des enfants en dehors de tout contrôle médical. Il faut établir une liste de pathologies sur prescription et visite obligatoire », réclame Alain Gerbel, président de la FNOF.
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