PRESIDENTIELLE 2012 - Un quinquennat agité par les réformes

Les relations tumultueuses d’un « hyperprésident » avec les médecins

Publié le 19/04/2012
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Crédit photo : AFP

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« JE VEUX être le président de la République qui réformera la France », proclamait Nicolas Sarkozy au printemps 2007. Aux patients, Nicolas Sarkozy promettait un égal accès aux soins. Aux soignants, pas de mesure rebrousse-poil : « J’améliorerai les conditions de travail des professionnels de santé, leur ferai bien davantage confiance, reconnaîtrai leur mérite par de plus grandes facilités de promotion professionnelle, et libérerai l’hôpital de la contrainte des 35 heures ». Ouvert à un espace de liberté tarifaire, quand Ségolène Royal critiquait les dépassements, le candidat UMP a su séduire les médecins libéraux (48 % des intentions de vote lors du premier tour, selon un sondage publié par « le Quotidien » en avril 2007).

La thématique santé, pas plus qu’en 2012, n’a percé dans la campagne de 2007. C’est pourtant dans un hôpital, celui de Dunkerque, que le fraîchement élu sixième président de la Ve République fera l’un de ses tout premiers déplacements. Le style Jacques Chirac n’est plus : Nicolas Sarkozy débarque en quasi "rock star", sous une nuée d’iPhones brandis par des blouses blanches qui veulent immortaliser l’instant. Les syndicats, interdits de banderoles, dénonceront une atteinte à leur liberté d’expression. Le chef de l’État fustige « la rigidité effarante pour obtenir une simple corbeille à papier ». Lancement du slogan « un seul patron à l’hôpital, le directeur », vécu comme une provocation par le corps médical. Sarkozy annonce une réforme « historique » de l’hôpital, qu’il conduira personnellement. « Moi je ne suis pas derrière Roselyne, je suis devant », dira-t-il en 2008 à Bletterans.

Une loi phare, des oppositions.

Suivront différents rounds de concertation, pour aboutir, à mi-mandat, à la loi Hôpital, Patients, Santé et Territoires (HSPT). Un accouchement aux forceps : les internes et les jeunes médecins rejettent en bloc tout encadrement de la liberté d’installation, tandis que les mandarins défilent sur le bitume parisien pour infléchir la future gouvernance hospitalière. Quelques grands pontes ont leurs entrées à l’Élysée, « l’hyperprésident » traite en direct certains dossiers. La loi HPST est promulguée en juillet 2009. Fin de la polémique.

Une kyrielle de textes d’application doit suivre, mais la machine se grippe : H1N1 débarque en Europe. Division au sommet de l’État : Roselyne Bachelot se voit sommée par l’Élysée de ne pas associer les généralistes à la campagne de vaccination. Elle assumera les dizaines de millions de doses commandées, les conséquences de la discorde. En vain : les médecins libéraux ne digéreront pas l’affront. Une rancune tenace, palpable au flot d’amabilités que s’adresseront la ministre et le président de la CSMF, Michel Chassang. Dans le même temps, la cote de popularité de Nicolas Sarkozy s’érode. Roselyne Bachelot sauve son fauteuil après les régionales, mais le remaniement de novembre 2010 l’exilera aux Solidarités. Xavier Bertrand fait son grand retour à la Santé et lance l’opération séduction en vue de 2012. En juillet 2011, trois syndicats (CSMF, MG France, SML) signent la nouvelle convention médicale, bientôt rejoints par la FMF. L’exécutif applaudit, les organisations syndicales ne boudent pas le chèque qui leur revient de droit. L’année 2011 sera également marquée par la tempête Mediator, arbre cachant la forêt pour les uns, scandale monté en épingle pour d’autres. L’épisode « PIP » contribuera à ébranler la confiance de l’opinion.

La réforme du médicament adoptée cet hiver sera le dernier acte politique du quinquennat dans le champ de la santé. Des considérations électoralistes ont tempéré l’activisme du début. Ainsi l’accord-cadre paraphé début 2012, censé restaurer l’attractivité des carrières médicales à l’hôpital, reste-t-il un catalogue de bonnes intentions : les décrets ne sont pas sortis. Qu’elle paraît lointaine, l’époque où Nicolas Sarkozy envisageait une « régulation adaptée » des honoraires en secteur II, et où il trouvait « normal » que le médecin s’installant à la périphérie de Douai bénéficie de « meilleurs tarifs » que celui basé dans le centre-ville d’Aix (discours du 18 septembre 2008). Le président sortant promet de rétablir l’égalité dans l’accès aux soins s’il est réélu. Sans mesure coercitive. La politique d’incitations fera le reste, jure-t-il à présent.

DELPHINE CHARDON

Source : Le Quotidien du Médecin: 9117