Face à la montée des populismes

L'Europe doit se réformer

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Publié le 28/06/2018
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L'Europe doit se réformer

L'Europe doit se réformer
Crédit photo : AFP

La crise migratoire est d'abord celle des migrants qui risquent leur vie, sont soumis aux pires exactions, contraints de payer dix fois le prix de leur voyage, parfois soumis à l'esclavage. Les difficultés de l'Europe sont moins graves. Un continent de 500 millions d'habitants devrait être capable d'accueillir un nombre (à définir) d'immigrés, clandestins ou pas, bénéficiaires de l'asile ou pas. Ce sont les partis populistes ou d'extrême droite qui ont réussi à terroriser les populations et sont en train de prendre le pouvoir non seulement en Pologne ou en Tchécoslovaquie mais aussi en Italie et en Autriche.

Emmanuel Macron s'est hâté de critiquer, et non sans vigueur, l'attitude du nouveau gouvernement italien. Le ministre italien de l'Intérieur, Matteo Salvini, a en effet appliqué les méthodes dont sont coutumiers les néo-fascistes, en interdisant à des navires d'accoster et en exigeant que d'autres pays européens prennent le relais de l'Italie. Cela dit, il est parvenu à poser le problème comme jamais, à ce jour, il n'avait été posé. Il faut accepter la réalité politique : pour une large proportion des 27 pays qui composent l'Union, le rejet des immigrés est plus important que l'appartenance à l'Europe. Ces nations égoïstes sont totalement indifférentes au sort de l'Italie ou de la Grèce.

Il est inutile de se quereller avec les gouvernements populistes. La France et l'Allemagne, qui se veulent exemplaires, sont menacées par le même phénomène. Il faut donc chercher un grand accord sur l'immigration sans contester l'autorité de gouvernements dont l'attitude est certes contestable mais qui ont quand même été démocratiquement élus. En revanche, il est temps d'expliquer à certains des membres de l'Union que leur appartenance à la construction européenne entraîne des devoirs dont l'accomplissement doit être assujetti à un système disciplinaire. Ils ne peuvent pas obtenir des fonds de développement structurel et refuser de prendre leur part de migrants.

Leur position oblige Bruxelles à geler son aide aux récalcitrants et à poser ouvertement la question de leur appartenance à l'Union. Ils ne le savent pas encore, mais les membres du groupe de Visegrad, par exemple, ont plus besoin de l'UE que l'UE n'a besoin d'eux. Combien de fois n'a-t-on pas dénoncé l'élargissement à l'infini de l'Union ? Si le départ du Royaume-Uni est une perte pour l'UE, la Pologne ou la Tchécoslovaquie ne sont pas indispensables à la monnaie, au commerce ou à la diplomatie de la zone euro. Au sommet européen d'aujourd'hui et de demain, il faut que M. Macron et Mme Merkel tiennent ce langage. Ils doivent dire à leurs partenaires européens qu'ils sont tous libres de choisir la conduite qu'ils entendent tenir mais que, s'ils rejettent la discipline de l'UE, ils quittent l'Union. 

Une question de conscience

Pour que la fermeté franco-allemande soit entendue, il faut aussi réviser en profondeur les accords de Schengen et l'accord de Dublin qui fait du premier pays d'accueil le seul responsable de l'immigré venu du Proche-Orient ou d'Afrique. Il faut que les fonds si généreusement dispensés au groupe de Visegrad soient affectés à l'immigration. Il faut créer des centres d'accueil non pas en dehors du continent mais en Europe ou tout migrant aurait une sorte de statut « européen » sans rapport avec le pays où il a débarqué la première fois. Il faut enfin arrêter la migration avant qu'elle ne commence, en aidant les gouvernements africains à empêcher leurs peuples de prendre la route de la Libye.

L'Union ne peut pas renoncer à la répartition et elle doit admettre que celle-ci ne peut avoir lieu que si plusieurs pays l'acceptent. Dans sa riposte au nouveau gouvernement italien, M. Macron a rappelé que la France fait sa part. Elle doit continuer de le faire, comme les nations qui n'ont pas encore sombré dans la peur du « grand remplacement ». Certes, la chancelière allemande n'est pas la mieux placée pour dicter ses décisions à son opposition. Mais il faut taper un grand coup sur la table : encore une fois, le problème est moins l'immigration que l'idée que l'on s'en fait et qui est en train de pourrir les consciences européennes.

 

 

 

Richard Liscia

Source : Le Quotidien du médecin: 9677