Modeste, le Pr Georges Lauret a toujours pensé avoir simplement fait son travail. Mais les personnes qui ont évité l’enfer de la déportation grâce à lui se sont qualifiées de miraculées.
Durant l’occupation, de très nombreux juifs de Rouen ont été victimes des rafles de la police et de la gendarmerie françaises et déportés dans des camps. Très peu en revinrent. Mais quelques-uns d'entre eux ont réussi à éviter les arrestations en se fondant dans la population locale. Parmi ces survivants, la famille Ganon. Ces Turcs, de confession juive, viennent d’Izmir. Ils se marient en France en 1930 et créent un petit commerce de bonneterie à Rouen. Ils ont rapidement deux filles.
En 1943, la ville de Rouen est occupée. Le régime de Vichy oblige les juifs à se déclarer. Les Ganon arborent l’étoile jaune sur leurs vêtements. Leur magasin porte une affiche « entreprise juive ». Le père de famille est pris par une rafle le 6 mai 1942. Il sera transféré à Drancy puis Auschwitz… La mère et ses deux filles de onze et douze ans survivent dans la terreur absolue. Elles se cachent en permanence dans leur appartement. Un jour, deux policiers français les surprennent et veulent les emmener au commissariat. La mère, Linda Ganon, leur montre un récipient plein d’eau et de sang et prétend qu’elle vient de faire une fausse couche. Elle traîne et gémit à chaque pas. Les policiers finissent par appeler une ambulance qui emmène la famille à l’hôpital de Rouen vers 2 heures du matin ce 19 janvier 1943.
Le courage d'un patron et de ses infirmières
Elles sont prises en charge dans le service de gynécologie-obstétrique des hospices de Rouen dirigé par le Pr Georges Lauret. Lors de sa visite, Linda Ganon lui avoue le subterfuge. Le médecin les fait immédiatement admettre. Il diagnostique, pour la mère, une maladie indécelable avec, au pied de son lit, une feuille de température montrant une courbe inquiétante révélant une infection aiguë. Les fillettes sont de leur côté admises au service des malades contagieux. Quelques semaines plus tard un médecin allemand vient vérifier l’état des patientes. Il questionne les religieuses infirmières pour avoir confirmation du diagnostic. Elles couvrent leur patron, déclarant au médecin inspecteur allemand que les filles sont bien anémiées avec de nombreux ganglions enflammés. Quant à leur mère, elle est un cas médical extraordinaire, sujette à des traitements expérimentaux.
À l’issue de la guerre, les trois femmes retournèrent dans leur appartement du centre de Rouen. Le courage du Pr Lauret les a sauvées. Le praticien n’a jamais évoqué cette histoire de son vivant. Ce sont ses filles qui l'ont racontée et ont obtenu pour lui, de l’État d’Israël, la médaille des Justes à titre posthume.
* « Les Miraculées », éditions des Falaises, 9 euros
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