24 heures du monde

L’obsession du FN

Publié le 27/04/2012
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Crédit photo : AFP

IL FAUT toute la démagogie d’une campagne particulièrement tendue pour que la gauche nie à la droite le droit de séduire, avant le second tour, les électeurs du Front, qui sont au nombre de six millions et demi. Tout en donnant au camp Sarkozy une leçon d’éthique, dont on a retrouvé la condescendance dans l’éditorial du « Monde » de mercredi, François Hollande lui-même ne peut se passer d’au moins une partie du vote FN. Et le sollicite.

Nicolas Sarkozy sait qu’il doit son retard du premier tour au basculement vers Marine Le Pen de quelque trois millions d’électeurs du Front en 2007. Il ne peut rien faire d’autre que de les appeler à voter logiquement au second tour : s’ils persistent à le rejeter, ils assureraient la victoire de François Hollande. Ils peuvent trouver le candidat socialiste plus sympathique que le président sortant, mais alors ils donneront leurs voix à un programme diamétralement opposé à celui de Marine Le Pen. Il est encore temps, pour eux, d’éviter l’avènement de la gauche au moment précis où ils s’imposent comme une grande force politique.

« Compatible avec la République ».

Le calcul de Mme Le Pen est bon, néanmoins, pour le long terme. Elle veut remplacer l’UMP par une droite recomposée qu’elle dominerait. Elle pense donc aux législatives : des candidats du FN se présenteront dans ces 350 circonscriptions où, ayant atteint la barre des 12,5 % de suffrages exprimés au premier tour, ils pourraient l’emporter au second tour, à la faveur de triangulaires. M. Sarkozy a expliqué que, s’il n’a pas le loisir de mépriser le vote des électeurs du Front, il n’entend pas négocier avec Mme Le Pen, pas plus qu’il n’y aura de ministre au sein d’un gouvernement de droite si, par extraordinaire, il gagnait le second tour. Que, là-dessus, François Hollande estime que le « candidat sortant », comme il l’appelle, en « fait trop » en direction du FN, ce n’est là que rhétorique. Quand M. Sarkozy déclare que le « FN est compatible avec la République », il ne prononce pas un gros mot : c’est par des voies purement démocratiques que le Front s’installe dans le paysage politique. Qui se souvient des questions des journalistes au sujet du manque de parrainages dont souffrait Mme Le Pen et faisaient valoir qu’elle les méritait ?  M. Sarkozy n’en fait pas trop, il fait ce qu’il peut pour ne pas être battu. Là où il exagère, c’est lorsqu’il invente des controverses artificielles, en accusant Tariq Ramadan d’appeler à voter Hollande (ce qui est faux) ou en affirmant que son rival entend régulariser aveuglément tous les sans-papiers (encore faux).

M. Sarkozy ménage aussi François Bayrou, qui a adressé une lettre aux deux candidats pour souligner la nécessité de redresser les comptes publics et a reçu une réponse plutôt favorable de M. Hollande. Il espère que les 9 % qui ont voté pour le candidat centriste lui reviendront, mais, selon les enquêtes d’opinion, il n’en obtiendrait qu’un tiers, de même qu’il ne recueillerait, au maximum, que 60 % des voix FN ; le total des ralliements serait insuffisant pour empêcher le triomphe de M. Hollande. D’ailleurs, si l’on admet, fût-ce prématurément, que M. Sarkozy a perdu, il y a plus grave pour la droite : le désarroi des élus UMP qui s’ensuivra. Certains seront tentés par des alliances locales avec le FN ; d’autres rallieront le centre. Parmi ceux qui ne voudront ou ne pourront faire ni l’un ni l’autre, beaucoup seront battus, surtout si l’on imagine que les Français, dès lors qu’ils auront choisi M. Hollande, pousseront le raisonnement jusqu’à son aboutissement logique : assurer au président élu une majorité parlementaire.

RICHARD LISCIA

Source : lequotidiendumedecin.fr