Il est jeune, il est au-dessus des partis, il affiche une volonté de changement.
Du côté de la santé, Macron allait-il nous sortir de notre « immobilisme convulsif », comme le disait Alain Peyrefitte, « immobilisme convulsif » qui de réforme en réforme a reconduit notre système de santé, aujourd’hui au bord de l’implosion. J’y ai cru.
Et puis j’ai vu affiché sur Facebook les diapositives du discours de Nevers.
Dans la première Emmanuel Macron nous dit : « Je mets en place sur Internet ce que j’appellerai Doctissimo public. » Mais monsieur Macron cela existe déjà et sous mille formes et il faut respecter cette pluralité. Parce que c’est l’esprit même de l’Internet.
Seconde diapo : « Je m’engage à réaliser la vente à l’unité des médicaments. » C’est donner, Monsieur Macron, une réponse bien dérisoire au problème de la gabegie en matière de soins. Pensez seulement à l’annonce faite par Madame Francesca Colombo, chef de la division santé à l’OCDE, aux 35 ministres de la Santé des 35 pays membres réunis à Paris il y a quelques jours : 20 % des dépenses de santé ne serviraient à rien. Pratiques, organisation des parcours de soins, un cinquième des dépenses totales de santé, qui pèsent 9 % du PIB des pays de l'OCDE, n’apportent strictement aucune contribution à la santé de la population.
Les médicaments non consommés qui sommeillent au fond de nos tiroirs ne pèsent rien en face de l’inflation des prescriptions inutiles et des interventions chirurgicales injustifiées. Songez par exemple à la multiplication injustifiée des interventions sur le canal carpien, dont le nombre a augmenté de 9 500 en 1995 à plus de 142 000 en 2005.
Où est le vrai problème ?
Le vrai problème n’est pas posé, celui d’une offre de soins non régulée. Notre système de santé fonctionne à guichet ouvert, chaque professionnel se présentant comme un donneur d’ordre. Bref là où une réforme structurelle s’impose, Macron propose une mesure lilliputienne.
À la lecture de la troisième diapositive, j’ai touché le fond : « Lorsqu’on parle de santé on ne parle pas de chiffre on parle d’abord d’humanité. » Non, non, et non Monsieur Macron, vous ne pouvez pas dire des choses pareilles. À vous le libéral, à vous l’économiste, je ne devrais pas rappeler la leçon de Michel Foucault : « De nos jours la médecine rencontre l’économie […] parce qu’elle peut produire directement une richesse dans la mesure où la santé représente un désir pour les uns et un luxe pour les autres. » À moins que par pure démagogie, vous ne vouliez entonner avec le chœur de nos médecins ravis l’inusable refrain « non à une médecine comptable ! ».
Une médecine qui dépense sans compter n’est pas une médecine vertueuse, Monsieur Macron, c’est le contraire, c’est une médecine qui détourne des budgets de soins utiles vers des soins inutiles. Quand dépasserons-nous, le vieux partage entre le comptable et le dispensateur de soin ? Nous sommes encore à des années-lumière de nos voisins britanniques qui ont réalisé dans le GP fundholder, médecin généraliste et gestionnaire de soins, la synthèse de l’économiste et du médecin. Les Anglais dépensent deux points de PIB en moins que nous pour la santé et leurs indicateurs de santé sont meilleurs que les nôtres.
Autre diapo : « Je veux fixer comme objectif que la génération française qui naît aujourd’hui sera la première génération sans tabac. » La formule est belle, mais on peut aussi trouver de belles formules pour dire ce que représente une véritable politique antitabac. Les Anglais, encore eux, ont donné l’exemple. En 2014, ils passent sous la barre de 20 % de fumeurs. On mesure le chemin parcouru quand on sait qu’en 1962 le nombre de fumeurs s’élevait à 70 % chez les hommes et 40 % chez les femmes. Cela leur a demandé 20 ans, 20 années d’une politique volontariste et coordonnée débutée dans les années 70. Dans cette lutte était enrôlé l’ensemble des acteurs : professionnels de la santé, sociétés savantes, ordre des médecins, universitaires, secteur associatif, collectivités locales. Toute une déclinaison de structures au niveau national, au niveau régional et local, ont permis de diffuser information et connaissance à toutes les sphères de la population.
Ha-llu-ci-nant…
Et quelques diapos suivantes, Emmanuel Macron propose un service sanitaire de santé de 3 mois, pour les étudiants, c’est la seule mesure avancée pour assurer la prévention dans notre pays. C’est hallucinant dirait Lucchini en détachant chaque syllabe.
Dernière proposition : remboursement à 100 % du dentaire et de l’optique. Pourquoi n’y avait-on jamais pensé ? Avec quel budget, on ne nous le dit pas. Sur le tiers payant, le numerus clausus, la liberté d’installation, pas un mot. Pas question pour Monsieur Macron de se fâcher avec nos médecins. Sur ces questions, tous les candidats à la primaire de gauche se sont exprimés ouvertement.
Le discours de Nevers sur la santé témoigne d’un déficit de pensée ahurissant et indigne d’un prétendant à la fonction suprême. Notre système de santé est à bout de souffle, une vraie réforme est urgente. La crise de la santé que nous traversons a le sens d’une transition épistémologique. Un nouvel ordre médical, avec une autre rationalité, d’autres pratiques, d’autres organisations nous attendent. Nos hommes politiques doivent prendre la mesure de ce bouleversement. Pour relever le défi il ne suffit pas d’attraper au vol quelques idées qui flottent dans l’air du temps. Emmanuel Macron suit le réel, un véritable homme d’État doit être capable de le transformer.
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